Tombé aux oubliettes puis sorti de l’anonymat suite à un remake réalisé en 2006 par Stewart Henler rebaptisé Sœurs de sang pour son exploitation DVD, The house of sorority row compte parmi les meilleurs slashers réalisés dans les années 80, un des rares qui parvient le mieux à s’extirper des conventions et de l’idéologie réactionnaire inhérents au genre. Pourtant rien en apparence ne permet au film de sortir du lot. Comme dans Halloween, Vendredi 13 ou Le bal de L’horreur, un prologue situé 20 ans avant sert de matrice à une action qui va se dérouler classiquement par la suite au sein d’un campus universitaire.
Cette entrée en matière située en 1961, baignant dans une sorte de sépia bleuté du plus étrange effet, commence par un accouchement qui tourne mal. Elliptique et anxiogène, proche de l’onirisme, cette ouverture s’avère d’une redoutable efficacité sans verser la moindre goutte de sang. Retour au présent :des étudiantes vivent ensemble dans une grande demeure. Pour tromper l’ennui ou par effet pervers du groupe justement, elles décident de faire une mauvaise farce à leur logeuse, sans savoir que les blagues les plus innocentes virent toujours au tragique dans les films d’horreur. En l’absence de cinéphilie aiguisée, elles mettent en pratique leur plan qui évidemment tournent mal. Les jeunes filles de la sororité sont ensuite tuées les unes après les autres lors de leur soirée de fin d’études.
L’originalité n’a pas l’air au rendez-vous de ce slasher qui démarre tranquillement dans la grande tradition du genre, cochant toutes les bonnes cases sans jamais chercher une porte de sortie insolite ou un angle différent. Mais justement en partant d’une situation conventionnelle, House of sorority row déploie en sourdine, à l’intérieur d’un canevas mécanique, une mélancolie sinueuse raccord avec le prologue et qui fait progressivement son chemin dans la tête du spectateur, qui amène ce dernier à prendre en compte la tragédie antérieure. Et à comprendre petit à petit qui se cache derrière un tueur, sans jouer des artifices inutiles des twists improbables.
Mark Rosman signe un premier film soigné tant d’un point de vue de la structure narrative proche de celle de Halloween de John Carpenter que de la forme, inspirée à plusieurs reprises par Brian De Palma dont il fut par ailleurs l’assistant sur Home movies. Du premier, il reprend l’unité de lieux et la présence d’un psychiatre,substitut de Donald Pleasance. Du second, l’influence parait plus poreuse. Mais l’élégance de la mise en scène valorisée par de beaux éclairages légèrement floutés comme dans Carrie et d’habiles mouvements de caméra intensifiés par la superbe musique de Richard Band, instaurent un climat à la fois envoûtant par sa grâce filmique et inquiétant par le suspense savamment entretenu. Retenons aussi une très habile utilisation topographique de la grande maison labyrinthique (un peu trop même quand on y pense) dans laquelle se promène le tueur à la canne.
Tourné en dehors du système avec un budget dérisoire et interprété par des comédiens plutôt meilleurs que d’habitude avec une mention spéciale pour l’héroïne qui ressemble étrangement à Kristen Stewart, House of sorority raw a su traverser le temps sans trop de rides et s’impose comme un slasher de très bonnes factures sous tendu par une émotion plutôt rare dans ce type de produit de consommation. Hélas, Mark Roseman, alors à peine âgé de 23 ans, cinéaste plutôt doué et prometteur ne confirmera pas par la suite, continuant un temps au sein du genre avant de devenir un tâcheron alignant les comédies sirupeuses pour le grand écran ou la télé, les titres parlant d’eux-mêmes : Comme cendrillon, L’homme parfait, De mémoire de père noël etc. Sans commentaire.
En attendant grâce à Extralucid profitez de cette série B efficace et touchante qui bénéficie d’un joli packaging reprenant l’affiche d’origine et d’un transfert HD correct mais un brin décevant. Comme le film est totalement inédit, ne boudons pas notre plaisir. En bonus, Mélanie Boisseneau intervient sur l’origine du slasher.
(USA-1982) de Mark Rosman avec Kate McNeil, Eileen Davidson, Janis Ward, Harley Kozak
© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).