Ce documentaire a l’intelligence de rappeler aux détracteurs de tous bords d’Henri-Georges Clouzot ce fait certain : il fut un cinéaste majeur. De l’Assassin habite au 21 à La Prisonnière, l’homme n’a eu de cesse de pousser le médium cinématographie dans ses retranchements, d’explorer avec vigueur ses possibilités, tout en cherchant à se dépasser lui-même. Parfois non sans maladresse (Brasil), allant jusqu’à succomber aux affres de maladies psychiques et physiques (L’Enfer). Mais souvent avec génie.
© Archives de La Cinémathèque Française – Tournage de « L’Enfer »
L’homme renferme une vaste part d’ombre. On lui connaît une vision viscéralement altérée du monde, perçu sous le prisme du mal, ou de rapports de force d’essence sadomasochistes ; ce qui, allié à un perfectionnisme quasi maladif, l’amenait à des comportements erratiques, sanguins, notamment lors des tournages. Il ne reculait pas devant les empoignades, ses acteurs s’en souviennent. Bardot lui rend sa gifle sur le tournage de La Vérité, mais les exigences du metteur en scène la précipite dans des abîmes de désespoir. Pour sa part, il obtient ce qu’il désirait : une interprétation parfaitement inspirée.
© Archives de La Cinémathèque Française – Tournage de « La Vérité »
Au-delà de cette « légende noire », c’est bien évidemment son emploi à la Continental Films, société de production dirigée par les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale, qui pose encore et toujours problème. En 2018, certains continuent à penser qu’aimer Clouzot revient à manifester une forme de sympathie pour la Collaboration. Fort heureusement, ce documentaire démonte habilement ce genre de facilités. Avant tout, car l’oeuvre plaide pour l’homme. Le Corbeau, fécond en/impose divers degrés de lecture et fait avant tout le portrait d’une France intemporelle qui se répand en dénonciations en tous genres, malgré son zèle accru sous l’Occupation/ et qui ne fit jamais preuve, lors de l’Occupation, que d’un zèle très fécond. L’occupant nazi avait pourtant imposé à Clouzot un cahier des charges plutôt précis, produire des sortes de bluettes visant à maintenir le moral des spectateurs. Le Corbeau vaudra à son auteur d’être licencié par la Continental : à l’en croire, il aurait même été « viré car il décourageait les auteurs de lettres anonymes ».
Par-delà ces considérations historiques se dégage le portrait d’un homme beau dans sa folie, gangrené par son perfectionnisme, un créateur maladif en quête perpétuelle d’absolu. Si la redécouverte récente du Sorcerer de William Friedkin a fait grand bruit, gageons qu’elle n’occulte en rien l’élégance du Salaire de la peur, œuvre au rythme effréné, l’un de ces trop rares films qu’il faut voir avec les oreilles et dont parle savamment l’un des intervenants : Bong Joon-ho.
Seul bémol, la durée, qui contraint le réalisateur à éluder Manon ou Miquette et sa mère, et à ne produire que des archives de tournage de La Prisonnière, film étonnant en diable, synthèse des expériences avortées de L’Enfer. Dans ce dernier film, se déploie la fameuse perception sadomasochistes des rapports entre les êtres, si essentielle chez Henri-Georges Clouzot. Bémol mineur, puisque ce film est un bel hommage à l’artiste et à sa complexité.
DVD édité par les éditions Montparnasse
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