Roman Polanski – "Cul-de-sac" [Blu-Ray]

Cul-de-sac est d’une certaine façon assez explicite dans son titre. Quand ça veut pas, ça veut pas… C’est un peu l’histoire du mec – George – qui veut (juste) être tranquille et que tout le monde enquiquine (pour être poli). Le mec à qui il arrive tous les trucs improbables et crasses. Dans ces cas-là, on fait demi-tour (ou une simple marche arrière, ça dépend du rayon de braquage de la personne). Ou bien on tape le mur ou on tombe du bord.

Cul-de-sac empreinte la même veine minimale que les deux précédents films de Polanski (Le couteau dans l’eau et Répulsion) dont le caractère sybillin offrait de la souplesse à une profondeur dans les relations et les caractères des personnages. Il s’en distingue lorsqu’il lorgne du côté de chez Beckett dont l’influence lui donne un côté pantin désarticulé, à la biologie comme spontanée.

Film libre, bordélique, Cul-de-sac respecte le second principe de la thermodynamique en ce que la situation initiale, ordonnée – bien tranquille dans mon château isolé – accroit son désordre avec le temps – plus tranquille du tout avec les pieds dans la flotte. Il ne semble en effet pas y avoir dans Cul-de-sac d’autre logique que cette entropie, ce principe chaotique qui fonctionne par lui-même, pour lui-même et qui domine les motivations somme toute très sommaires de chacun des personnages : être tranquille, être libre, rentrer chez soi.

Pourtant, cette absurde comédie existentielle, Polanski et son scénariste Gérard Brach (grand collaborateur du réalisateur) auront mis plus de trois ans à l’écrire. Le film ne se perd jamais pour autant dans des méandres délirantes qui le rendraient totalement abscons et garde une forte identité théâtrale que l’unité de lieu du château et les dialogues ciselés contribuent à forger. On est alors embarqué dans un absurde qui peu à peu dessine avec une certaine sévérité des priorités parmi des choses inutiles. L’absurde balaie le futile et garde l’essentiel. L’absurde éprouve George.

Le film nous emporte également par l’impeccable interprétation (Donald Pleasance, Lionel Stander, Françoise Dorléac) de non moins excellents personnages (George, Richard, Teresa). Caricaturaux ce qu’il faut, truculents à souhait ; un souffle de liberté traverse le film, qui rend ses images très séduisantes.
Cette fable sur l’impossibilité de se couper du monde emprunte des chemins tortueux – des gangsters qui se perdent et débarquent dans le château supposé de Walter Scott occupé par un ex-business man reconverti à la peinture du dimanche – nous menant allègrement sur les rives d’un monde qui aurait, au final, un bord.

SUPPLÉMENTS (EN HD)*

Deux gangsters et une île (23 mn)

Ce documentaire retrace la trajectoire de Cul-de-sac, de la recherche du casting au tournage sur l’île de Lindisfarne, au nord de l’Angleterre, où Roman Polanski et son équipe ont parfois dû faire face à des acteurs incontrôlables.

Bande-annonce originale

. 3 courts-métrages de Roman Polanski

« Quand les anges tombent » (Gdy spadają anioły – 1959 – N&B et Couleurs – 22 mn)
Une dame pipi oppose au triste spectacle de l’urinoir l’imagerie flamboyante de ses souvenirs…

« Le gros et le maigre » (1961 – N&B – 15 mn)
L’histoire d’un gros et d’un maigre où tout est question de relativité…

« Les mammifères » (Ssaki – 1962 – N&B – 11 mn)
Deux hommes et une luge dans une grande étendue enneigée…

* en HD sur la version Blu-ray Disc™

Cul-de-sac de Roman Polanski (1966 – N&B – 112 mn)
Blu-Ray édité par Carlotta

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A propos de Julien Reduron

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