Cheap Thrills (USA, 2013) de E.L. Katz, DVD édité par Luminor
Cheap Thrills s’apparente en fait à une émission de télé-réalité, mais débarrassée de son filtre « télé-« , révélant une réalité bien plus glauque que ce que le strass et les applaudissement laissent apercevoir au premier abord. La satire est d’autant plus puissante qu’à aucun moment dans Cheap Thrills n’est évoqué son homologue télévisuel, avec qui il dialogue pourtant constamment. Une fois réduit, simplifié, plus besoin de revenir dessus. Tous les éléments sont là : les candidats en galère (financière ou identitaire), l’animateur cynique agitant son pognon sous leurs yeux, la spectatrice indolente « qui-n’a-pas-l’air-d’y-
Si on envisage la question sur un plan moral, quitter le jeu paraît bien la meilleure solution : refuser de se soumettre aux règles ineptes et conserver son honneur, respecter autant l’autre que soi-même. Mais sur le plan économique, quitter le jeu paraît une chose insensée. Que sont quelques épreuves salissantes contre la perspective de passer désormais des jours tranquilles. Peu importe leur saveur si les billets sont là. La question finalement pourrait se poser en des termes plus abruptes : à quoi nous servent encore l’honneur, la morale (qui ne nourrissent pas) ?Par son caractère dépouillé, Cheap Thrills se permet une brutalité qu’un scénario ou un univers plus développé aurait amoindri ou rendu « racoleuse ». Il enfonce le clou bien profond, soulevant un véritable problème moral, celui, corrélatif de l’honneur, de la soumission, qui, bien loin d’être unilatérale, engage toutes ses parties (les riches cyniques et voyeurs et les pauvres voulant devenir comme eux) dans un monde vide de sens, où l’individu, bien que paradoxalement vanté par l’idéologie du dépassement de soi, ne s’appartient plus et devient misérable.
Non, mais quand même… qui est misérable avec 250000$ ? (G.W)
Henry, portrait d’un tueur en série (USA, 1986) de John McNaughton, dvd sorti chez Opening
Il est à ranger pas très loin d’autres œuvres qui ébranlent par leur dimension quasi documentaires telles Maniac de William Lustig, de Schizophrénia de Gérard Kragl, avec qui il partage d’ailleurs une électronique lancinante. Mais c’est peut-être plus encore du côté d’Abel Ferrara qu’il faudrait se pencher, moins celui de Driller Killer, que de Bad Lieutenant, avec cette vision écrasante d’une ville-monstre qui génère ses créatures, de ce monde totalement vide et froid. Car s’il est l’incontestable héritier de certaines œuvres cultes de séries –b d’horreur underground suivant pas à pas des psychopathes hagards et leurs méfaits dans les bas-fonds des mégalopoles, il reste également un formidable portrait de la misère sociale et de ses répercutions. Si Henry est bien le portrait d’un serial killer, il est aussi celui de la pauvreté fait homme, de la dégénérescence et des laissers-pour-comptes. La grande force d’Henry tient à l’incarnation de son personnage, totalement insondable, sans motivation – au-delà de ce qu’on suppose un trauma de l’enfance – si ce n’est cette pulsion d’oter la vie, attirance primaire d ‘en finir avec les autres. Un gouffre. Dans l’ensemble le cinéaste ne filme pas les crimes en direct, mais c’est lorsque un autre tiers intervient, la caméra-meurtre qui filme les tortures et les diffuse sur une télé de mauvaise qualité encore plus neigeuse que l’image originelle que la terreur étreint le spectateur, le plongeant dans le regard du regard, dans la vision d’une agonie toujours renouvelée, en « rewind ». Henry reste un grand film de terreur « VHS », bien plus agressive et intelligente que l’ensemble des found footage qui suivront.
Après, avoir travaillé à la télé et être passé par la case « Masters of horror » avec un beau Haeckel’s Tale, Johh MacNaughton a réalisé en 2013, The Harvest avec Michael Shannon et Samantha Morton, retour au cinéma de genre et au cinéma tout court. On espère qu’il ne restera pas inédit.Opening nous propose une belle édition d’Henry avec un nouveau master HD, ainsi que de nombreux bonus : un making of, des scènes coupées, une Conversation entre John McNaughton et le critique Nigel Floyd (22′), un doc sur le film et la censure en Grande-Bretagne, un autre sur le vrai Henry Lee Lucas, ainsi qu’une présentation du story-board. (O.R)
Sacrifice – Burning Bush (République tchèque, 2013) d’Agnieszka Holland, dvd sorti chez les Editions Monparnasse.
La guerre des yokais (Japon, 2005) de Takashi Miike, dvd sorti chez HK vidéo
Avec La guerre des Yokais Takashi Miike emprunte à nouveau la voie du remake-hommage (après 13 assassins ou Harakiri par exemple) en reprenant la trame d’un classique du film pour enfants de 1968. Curieux objet en réalité que ce mélange de monstres traditionnels et d’effets numériques, de recherches vidéastes, d’apparitions en live d’acteurs déguisés en monstres. C’est une œuvre aussi bancale, qu’étonnante et inclassable tout aussi folle qu’enfantine, dans laquelle un petit garçon pénètre dans le monde mystérieux des yokais pour y apprendre à devenir un chevalier mythique.
Red lights (USA, 2012) de Rodrigo Cortés, dvd et blu-ray sorti chez Metropolitan video
En cela Rodrigo Cortes rend parfaitement hommage à ses modèles, rappelant parfois le Fury de De Palma dans sa manière d’intégrer le surnaturel au thriller, et de s’attarder sur l’étrange psychologie de ses personnages. Plus encore, il rappelle parfois le formidable et encore trop méconnu Maître des illusions de Clive Barker, lorsqu’il s’attache à troubler le spectateur par ses mirages, ne sachant plus vraiment dans quel versant il se trouve, entre la prestidigitation et la magie. Particulièrement soigné formellement, dans un beau cinémascope, il nous entraine sur les pas de deux physiciens (Cillian Murphy, et Sigourney Weaver) sceptiques toujours prêts à démasquer les charlatans en surnaturel et psychologie et confronté au grand maitre Simon Silver (Robert De Niro), véritable gourou tordeur de cuillère et manipulateur-liseur de pensées, qui galvanise les foules et convainc les plus sceptiques. Ajoutons à cela un casting parfait, dont un Robert De Niro enfin convaincant (il était temps) et effrayant, et une Elizabeth Olsen (Marcy May Marlene, c’est elle) particulièrement mimi dans un rôle trop secondaire : nous avons un beau film entre-deux-eaux hautement recommandable. Au-delà du suspense parfaitement agencé Red Lights constitue également une belle réflexion sur la société du spectacle, le caractère pernicieux de médias omniscients, manipulateurs et laveurs de cerveaux et peut se révéler parfois effrayant. (O.R)
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