Avant d’être l’un des plus machiavéliques méchants du cinéma, Fu Manchu naquit sous la plume de Sax Rohmer, remarquable écrivain feuilletonnesque qui s’inspira d’un certain Mr King sévissant à la veille de la Première Guerre mondiale, à Chinatown. Ce dernier contrôlait à distance à la fois l’univers du jeu, le trafic de drogue et une société secrète : les Tongs. Oui, c’est ce même criminel qui inspirera Jimmy Sangster en 1961 pour The Terror of the tongs produit par la Hammer. La mort non élucidée d’une show girl poussera Scotland Yard à lancer une enquête autour de cet homme dont personne ne connaissait le visage et au sujet duquel tous les interrogés gardaient le silence dès qu’on l’évoquait. Quand certaines langues se délièrent, on apprit que, tel Dracula, il vivait à Londres.

Fasciné, Rohmer menait son enquête  de son côté et s’imprégnait déjà d’un climat, allant se promener la nuit dans les ruelles mystérieuses, jusqu’à ce qu’un jour il croisa – probablement – son chemin.

J’ai vu descendre un homme grand et très digne, chinois, mais différent de tous les Chinois que j’avais rencontrés. Il portait un long pardessus noir et une casquette d’astrakan bizarre. Il entra dans la maison. Il a été suivi par une fille arabe, ou peut-être était-elle égyptienne. Elle m’a rappelé une illustration d’Edmund Dulac pour Les Mille et une nuits. […] Le chauffeur ferma la portière de la voiture, sauta sur son siège et recula comme il était entré. Les phares s’éteignirent dans la brume… et le Dr Fu Manchu est né!

Je ne pouvais pas prétendre que ce grand chinois était Mr King, mais il était clairement un homme de pouvoir et d’autorité. […] En marchant dans le brouillard, j’imaginais qu’à l’intérieur de cette habitation d’apparence bon marché, inconnue de tous sauf de quelques élus, non visitée par la police, se trouvaient des appartements luxueux, meublés de manière orientale, rembourrés et parfumés. J’ai vu une tache de magnificence orientale, un joyau dans le cercueil crasseux de Limehouse. […] Cette nuit-là, seul dans ma chambre, j’ai cherché dans les souvenirs de l’Est, trouvant une identité pour la belle fille que j’avais vue à travers le brouillard. Et elle est devenue Karamaneh (un mot arabe signifiant un esclave personnel), un instrument involontaire du médecin chinois. […] Petit à petit, cette nuit-là et bien d’autres nuits, j’ai construit le Dr Fu Manchu, jusqu’à ce que finalement je puisse le voir et l’entendre.

Les adaptations des romans de Sax Rohmer ont occulté une œuvre beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, dominée par un génie du crime digne de Moriarty ou Fantomas, ne rendant pas justice à la qualité de son inspiration et de son écriture. Pire, elles l’ont affilié de manière réductrice à une expression du péril jaune, du racisme colonial britannique. Comme le dit si bien Tim Lucas dans le remarquable livret contenu dans le coffret, si Sax Rohmer est un homme de son temps, c’est surtout la fascination pour la beauté hypnotique du Mal, son élégance surnaturelle qui prime, bien plus que cette peur de l’autre, de l’étranger et de ses appétits de domination du monde. La caricature provient donc bien plus du cinéma bien plus que du matériau d’origine.

Le producteur britannique Harry Alan Towers n’est pas le premier à s’attaquer au personnage. Il y eut notamment du vivant de Rohmer plusieurs adaptations muettes comme The Mysterious Dr. Fu Manchu (1929) et The Return of Dr. Fu Manchu (1929) avec Warner Oland. S’il y a bien un film qui mérite le titre d’adaptation fidèle c’est sans doute le magnifique The Mask of Fu Manchu tiré du roman éponyme dans lequel Boris Karloff prend les traits du docteur. La suite ne sera que variations et fantasmes libérés par le personnage, se libérant totalement des livres d’origine et perdant leur esprit initial.

S’il y a un écrivain qui peut se targuer d’avoir été inspiré par Rohmer c’est bien Ian Fleming élaborant ses méchants machiavéliques à la Goldfinger. Le succès des James Bond – mais aussi celui des krimis et autres adaptations allemandes d’Edgar Wallace, rappelle Tim Lucas – pousse justement Alan Towers à faire revivre Fu Manchu et donc à produire ces 5 nouveaux longs-métrages. Friand des pulps fiction et des krimis (il en produira d’ailleurs quatre à son tour, dont le plus célèbre reste Circus Of Fear de John Llewellyn Moxey avec Christopher Lee, en 1966), Towers prend donc à bras le corps ce projet, réussit à convaincre la United Artists qui produit les Bond, La Rialto Films (firme danoise qui produisit les krimis en Allemagne de l’Ouest) et la Constantin Films également ouest-allemande, de se lancer dans le projet, profitant de la réédition en masse des romans. Et pour couronner le tout, il emprunte pour ce premier Fu Manchu deux stars allemandes des krimis : Joachim Fuchsberger (Carl Jannsen) et Karin Dor (Maria Muller). Il ne reste plus qu’à trouver le Fu Manchu idéal : ce sera Christopher Lee, âgé alors de 41 ans, avec derrière lui une longue carrière de Dracula, momies, créatures de Frankenstein et autres figures épouvantables. Towers aime tellement les romans de Rohmer qu’il se charge lui-même de l’écriture sous le pseudonyme de Peter Welbeck. Paradoxalement, il se soucie peu de lui être fidèle, et hélas s’il y a bien une chose qui pêche dans ces films c’est bien l’écriture.

The Face of Fu Manchu © Powerhouse films

Chargé de la réalisation des deux premiers opus, Don Sharp n’est pas un novice. Habitué de la Hammer, il a réalisé pour la firme le meilleur film de vampires hors Dracula et hors Terence Fisher, Kiss of the Vampire et a déjà dirigé Christopher Lee dans Les Pirates du Diable. Le masque de Fu Manchu (The Face of Fu Manchu, 1965) ouvre donc le bal en dessinant les grandes lignes des futures intrigues, les archétypes et mécaniques, un avant-goût de la suite : une volonté de dominer le monde et l’enlèvement de savants prestigieux, menés à l’antre de Fu Manchu pour l’aider à réaliser ses plans machiavéliques à grand renfort d’inventions scientifiques révolutionnaires. Bon moyen de chantage : ces personnalités de renommée internationale sont presque toujours accompagnées de leur fille, belle bien évidemment et menacée de mort. Des kidnappings, des coups de théâtre, un Scotland Yard sur les dents, tous les ingrédients sont là, avec en filigrane le visage aussi impassible que déterminé de Fu Manchu. Le film est plein de charme avec ses péripéties, ses subterfuges, et la naissance du duo ennemi Nayland Smith/Fu Manchu digne de l’éternelle confrontation Dracula – Van Helsing. Le formidable Nigel Green – futur traître de The Ipcress File – un habitué lui aussi de la Hammer, incarnera une seule fois, à notre grand regret, cet adversaire du Mal. En revanche Howard Marion-Crawford apparaît dans les 5 opus le fidèle Docteur Petrie, très savoureux personnage plein de bonhommie, un peu gaffeur, le Watson de Nayland Smith. Tout comme Tsai Chin restera la redoutable, l’impitoyable Lin Tang, fille parfois encore plus démoniaque que son père. Cet épisode commence par l’exécution de Fu Manchu, à laquelle assiste Smith. On soupçonne une supercherie, mais laquelle ? Une vague de strangulations à Londres va éveiller les soupçons de Smith, qui doit se rendre à l’évidence : IL est de retour avec les moyens d’anéantir le monde. Fu Manchu a inventé une substance à base de pavot noir qui disséminée dans l’air permet un massacre de masse. La mise en scène classique de Don Sharp sied à l’humeur de divertissement britannique à la Chapeau Melon et Bottes de cuir, à sa saveur des contrastes, lorsque l’exotisme s’invite à Londres et que s’y installent les savants fous. Car sous ses allures de méchant asiatique à la Hergé, Fu Manchu n’est finalement rien d’autre qu’un scientifique génial, organisant par des moyens particulièrement tordus la domination du monde.

The Face of Fu Manchu © Powerhouse films

La folie du personnage explose dans la fixation inextricable qu’il nourrit contre Smith, rancœur intime qui se matérialise dans le désir de détruire le monde. Le plus surprenant, peut-être : véritable terroriste et tueur de masse, Fu Manchu passe instantanément à l’acte, met à exécution ses projets, exterminant des milliers d’individus en guise de menace et de démonstration de son pouvoir. Une telle fiction paraît impensable aujourd’hui. Dans cet univers abracadabrant, la cruauté frappe notamment dans ce spectacle d’un village jonché de cadavres d’adultes, d’enfants et d’animaux, comme si une seule image pouvait nous renvoyer au traumatisme des guerres récentes ou à venir. Au détour d’une séquence, la dimension cathartique du mythe, le fantasme qui renvoie au réel, avale le divertissement.

Pour la première fois nous entendrons le célèbre refrain qui clôt chaque film, la voix de celui que seuls les très très naïfs avaient pu croire mort :

The world shall hear from me again !

Première connivence ludique avec le public qui attendra désormais ce moment, comme beaucoup d’autres leitmotivs et clins d’œil.

The Brides of Fu Manchu © Powerhouse films

Après avoir posé ses marques consciencieusement et sagement dans The Face of Fu Manchu, Don Sharp propose un The Brides of Fu Manchu au rythme un brin plus trépidant, un peu plus sexy également, puisqu’ici comme son titre l’indique, il est entouré de ses fiancées – ou plutôt ses prisonnières attachées à des piliers dans sa caverne. Ce sont en réalité les filles d’éminents scientifiques enlevées par Fu Manchu pour pousser leur père à l’aider à mettre au point un rayon de la mort fatal pour anéantir un bateau entier – qui se désintègre comme par magie – en guise de prélude. Malgré un hommage du titre aux « brides » de Dracula, nous verrons peu ces fiancées, malgré l’attente de leur libération.

The Brides of Fu Manchu © Powerhouse films

De fait, contrairement à un Dracula sur-érotisé, Fu Manchu paraît dénué de toute sexualité et de désir, sa jouissance se limitant à celle de l’extermination. The Brides of Fu Manchu peaufine un peu les sévices et les cruautés en s’ouvrant sur une scène de suggestion par hypnose, un des multiples pouvoirs de Fu Manchu. Désormais son esclave, la fille d’un docteur séquestré pousse, devant les yeux impuissants de son cher papa, une pauvre créature dans une fosse aux serpents. Niveau distribution, Douglas Wilmer, qui endosse pour deux fois le rôle de Nayland Smith, n’a clairement pas le charisme et le flegme de Nigel Green. Et, détail amusant, comme la menace est mondiale, le voyage s’étend ici jusqu’à la France, et l’un des valeureux inspecteurs parisiens est incarné par … Roger Hanin lui-même.

The Vengeance of Fu Manchu © Powerhouse films

Don Sharp quitte le navire pour le troisième épisode, le moins bon de toute la série, d’une platitude assez frappante. Réalisé par Jeremy Summers, La Vengeance de Fu Manchu est un plat qui se mange mou. L’ennui guette, et l’essoufflement de Towers est perceptible dans une intrigue qui tire à la ligne. Pourtant, l’idée abracadabrante – moins c’est crédible, plus c’est excitant – de donner à un molosse le visage de Smith après une opération de chirurgie esthétique constituait un argument de taille. Originalité du film dans lequel Fu Manchu réside ici dans son Palais en Chine et où il cherche à éliminer tous les membres de la police lui ayant nui : c’est le seul qui a été tourné en Asie en co-coproduction avec la Shaw Brothers, d’où un regain d’authenticité locale. La superstar philippine Tony Ferrer en homologue oriental de Smith se livre même à une belle performance d’arts martiaux dans les rues nocturnes de Shangaï. Ici, les criminels de tous les pays semblent prêts à rallier le pire d’entre eux (sans se douter qu’il n’obéit à aucun principe de loyauté même envers ses “collègues”). Nous ne serons donc pas surpris d’y rencontrer l’acteur allemand Horst Frank – spécialiste des salauds autant dans le cinéma bis italien que germanique – y lancer son regard inquiétant et pervers.

The Blood of Fu Manchu © Powerhouse films

On a reproché à Franco et Towers d’avoir tué Fu Manchu, et pourtant, à y regarder de plus près, le cinéaste espagnol, malgré un budget de plus en plus ridicule perceptible à l’image, apporte un sang neuf à la série, avec sa patte et ses expérimentations – ce qui va de pair avec son approximation, son sens de l’improvisation. Le cinéaste admirait l’œuvre de Rohmer et en avait déjà tourné une adaptation avec Towers dans Sumuru, la cité sans hommes en 1969. Avec The Blood of Fu Manchu, Franco cherche clairement à rendre personnellement hommage à l’univers de l’écrivain. Avec lui aux manettes, tout change. Disparue la retenue de Don Sharp, le classicisme et l’élégance british ! Place à une sensibilité hispanique sans retenue, plus bis, triviale, avec plus de violence, de chair, de sueur.

The Blood of Fu Manchu © Powerhouse films

Avec son style reconnaissable entre mille, le maître du zoom est là, les accumulant, donnant parfois l’impression de vouloir s’approcher en direct de l’objet de ses désirs, à grand renfort de gros plans. La narration est lâche, le script approximatif, presque vidé de substance, ce qui sied complètement à la mise en scène de Franco. On a parfois la sensation que rien ne s’y passe, d’assister à une divagation, d’une action vampirisée par le songe, où les personnages errent dans l’espace.

The Blood of Fu Manchu © Powerhouse films

Franco co-écrit le scénario et son amour pour les décors d’Amérique du Sud et ses dictatures, tels qu’il les exploitera dans ses films de prisons de femmes (il tourne 99 femmes l’année d’après) transparaît plus que jamais dans The Blood of Fu Manchu. Si, bien que fauchées, cette jungle brésilienne, ces ruines d’une cité perdue dans laquelle se cache Fu Manchu, présagent presque d’un Indiana Jones, elles renvoient surtout à L’homme de Rio de De Broca. Grand amateur de sérials et de pulps, Franco s’en donne à cœur joie dans l’extravagance. C’est une des rares fois où l’on retrouve véritablement la trace de Sax Rohmer avec la reprise de ce baiser de la mort : grâce à un venin qu’on leur a injecté, les esclaves de Fu Manchu, posant les lèvres sur leurs victimes, les rendent d’abord aveugles, avant une lente et douloureuse agonie. Tel est le machiavélique dessein de Fu Manchu, qui conduit Nayland Smith, contaminé et aveugle mais en vie, à aller traquer le démon et rechercher l’antidote en Amérique du Sud. Déjà présente – mais plus potiche – dans l’épisode précédent, Maria Rohm, future actrice fétiche de Franco (et malheureuse épouse d’Alan Towers) y incarne plus énergiquement Ursula, l’infirmière capturée par Fu Manchu. The Blood of Fu Manchu ressemble à s’y méprendre à un film d’aventures, mêlant allégrement les genres jusqu’à créer ici un mix improbable avec le western, avec l’intervention d’un bandit mexicain, Sancho Lopez, qui doit malgré lui aider Fu Manchu.

The Blood of Fu Manchu © Powerhouse films

Toutes ces digressions, ces intrigues dispersées autour de l’enjeu principal éclipsent quasiment le personnage machiavélique qu’on voit finalement assez peu, au point que le spectateur se demande parfois si les créateurs n’ont pas un peu perdu de vue qu’il s’agissait d’un Fu Manchu ! Franco s’y laisse aller à ses obsessions, dans les proportions raisonnables d’un cinéma grand public : dès les premières séquences, la caméra s’attarde sur les filles à demi-dénudées enchainées, emprisonnées. Le claquement de fouet est imminent, présage de son futur Justine ou de ses œuvres sadiennes les moins soft dominées par l’imagerie BDSM. Il réussit même à glisser une séquence de danse lascive comme il les affectionne tant.

The Castle of Fu Manchu © Powerhouse films

Le scénario de The Castle of Fu Manchu prépare une grande marmite de n’importe quoi et c’est pour cela qu’il est si jubilatoire. Pour commencer, The Castle of Fu Manchu sous-entend – rien que ça – que Fu Manchu a coulé le Titanic, reprenant même des stocks shots d’Atlantique, latitude 41° (1958) de Roy Ward Baker. Grande nouveauté de cet épisode, l’irruption d’un humour assez absurde comme l’affectionne le réalisateur, qui se paye le luxe d’un désopilant caméo en inspecteur Hamid. Dans cet embrouillamini d’influences, il est vraisemblable que le créateur du Docteur Orloff, amateur des Yeux sans visage, ait mis son nez dans l’écriture. Parmi les opérations délicates imposées par Fu Manchu, remplacer par le cœur parfaitement fonctionnel d’un simple serviteur, l’organe fatigué d’un scientifique qu’on veut garder en vie. Le programme du jour : geler tous les océans du monde grâce à la sempiternelle aide des pointures scientifiques.

The Castle of Fu Manchu © Powerhouse films

Rendez-vous à Istanbul (futur décor de Vampyros Lesbos) où Fu Manchu tente de doubler Omar Pasha, le baron du crime local, en volant ses réserves d’opium, carburant indispensable à la machine dont il se sert. Après s’être emparé du château du gouverneur – qui abrite une vaste réserve de drogue – il en fait son repaire, tendra un guet-apens à Omar, gardera sa maîtresse prisonnière, une Rosalba Néri comme on l’aime, à la fois sensuelle et pleine d’énergie vengeresse.

The Castle of Fu Manchu © Powerhouse films

Comme si l’annonce de l’échec et de la fin de la série permettait enfin tous les excès, Franco compense les faiblesses narratives par une libération dans l’expérimentation pour cet ultime épisode, qui est aussi le meilleur, tentant une esthétique exubérante, des couleurs primaires entremêlées aux secondaires que n’aurait pas reniées Mario Bava, n’hésitant pas à convoquer l’imagerie gothique, à l’image de ces héros enlevés dans des… cercueils. The Castle Of Fu Manchu est probablement le plus libre de tous, presque pop dans sa structure, ses (dé)cadrages, son montage presque hypnotique. Il éjecte du réel, impose une atmosphère réellement fantastique. Plans cassés et contre-plongées exposent des partis pris formels très prononcés qui font de The Castle of Fu Manchu l’opus le plus baroque, prenant parfois les teintes d’un cauchemar bigarré.

Fu Manchu avait beau répéter qu’il reviendrait, ce Castle of Fu Manchu sonna l’arrêt de la série, si l’on excepte la savoureuse parodie de Piers Haggard dans les années 80, Le Complot diabolique du docteur Fu Manchu avec un Peter Sellers déchainé, docteur de 168 ans recherchant l’élixir d’immortalité.

Et Christopher Lee dans tout ça ? On pourrait s’attendre à un acteur britannique contrefaisant éhontément l’accent asiatique et parsemé d’expressions diaboliques, mais il n’en est rien. Christopher Lee a un jeu étonnamment sobre, parfois presque mutique, préférant ne laisser passer aucune expression, aucun sentiment. Il est surprenant que l’un des plus gros méchants du cinéma soit à l’arrivée dénué d’excès visible, ce qui déteint complètement, comme un symptôme de folie muette. Un personnage secret, insaisissable : quel homme se cache vraiment derrière ses élans criminels ? On pourrait arguer que c’est la conséquence d’une écriture qui ne caractérise pas ses personnages, mais cette aura de mystère est pour beaucoup dans la singularité de ce méchant. Au-delà de ses longs ongles et de son célèbre déguisement, il ne construit pas un personnage aussi démesuré que ses crimes.

Dire que les Fu Manchu produits par Towers sont des chefs-d’œuvre serait mentir. La série est indéniablement mineure, plus encore au regard du potentiel du personnage créé par Sax Rohmer, propre à provoquer fascination et peur, mais qui ici suscite surtout un regard amusé. Illustration, ombre chinoise, engoncé dans ses mimiques, ses invariables manies et manigances plutôt que de s’incarner vraiment, il est prisonnier de son déguisement au point d’en devenir statique. L’écriture de Towers manque d’inventivité, s’en tient régulièrement aux gimmicks et se repose sur eux. Elle peine à se renouveler, répète approximativement le même argument à chaque nouvel opus. S’être autant éloigné de l’œuvre originale et préférer une variation un peu paresseuse autour du personnage c’est s’en tenir au fantasme qu’il suscite sans pousser l’ambition plus loin. Reste que l’on nage évidemment en plein fantastique scientifique, celui qui modifie le réel vers la fantaisie débridée, avec ses maitres du monde en herbe, ses bases cachées en pleine nature où dans des souterrains urbains, lorsque le quotidien le plus banal se teinte de couleurs nocturnes et que la normalité du réel se laisse envahir. C’est aussi le point commun avec certaines intrigues de Chapeau Melon et Bottes de cuir au point qu’on regrette parfois que Brian Clemens ne soit pas venu y injecter son génie. Dans ce Cycle Fu Manchu, flotte parfois encore le parfum de Sax Rohmer, son affiliation aux romans feuilletons, Maurice Leblanc, Maurice Renard, Allain et Souvestre… où les lumières de la ville soulèvent le voile sur bien des mystères inexpliqués. La série possède un indéniable charme que la patine du temps a amplifié, celui d’aventures improbables et de maîtres du monde aux diaboliques desseins qui ont définitivement disparu des paysages de la fiction.

SUPPLEMENTS

Le coffret proposé par Powerhouse vaut au moins autant pour la beauté de l’objet et des suppléments que pour les films eux-mêmes. Les copies sont absolument somptueuses toutes restaurées en 4k à partir des négatifs originaux. Chaque film propose des commentaires audio de divers intervenants. A cela s’ajoute un livret de 120 pages de Tim Lucas sur le cycle Fu Manchu, un texte sur la carrière du producteur / scénariste Harry Alan Towers, une étude de l’oeuvre de Sax Rohmer, une analyse de The Ghost of Monk’s Island et des sérials muets Fu Manchu Stoll Pictures, ainsi que des articles de journaux et extraits de réceptions critiques de l’époque.

 

The Face Fu Manchu

  • BEHP Interview de Don Sharp – Part One : From Hobart to Hammer (1993, 96 mins), enregistrement audio du British Entertainment History Project où Don Sharp s’entretient avec Teddy Darvas et Alan Lawson
  • BEHP Interview d’Ernest Steward – Part One : The BIP Years (1990, 96 mins) ; enregistrement audio du British Entertainment History Project avec le chef opérateur
  • Interview de Christopher Lee (1965, 4 mins) : extrait de l’émission de TV irlandaise  Newsbeat, filmé durant un tournage à Dublin.
  • Vic Pratt présente ‘The Face of Fu Manchu’ (2020, 7 mins)
  • Underneath the Skin (2020, 49 mins) : une étude du travail de Sax Rohmer par un spécialiste, auteur de The Yellow Peril : Dr Fu Manchu & The Rise of Chinaphobia, Christopher Frayling.
  • Générique alternatif
  • Super 8 versions : les versions coupées Super 8 avec les musiques de films issues des vinyles originaux.
  • Bandes annonces anglaises, allemandes et françaises.
  • Galerie photos et matériel promotionnel

The brides of Fu Manchu

  • Deux versions proposées : l’anglaise (94 mins) and l’américaine avec le prologue (95 mins)
  • BEHP Interview de Don Sharp – Part Two : A Director of Substance (1993, 95 mins), enregistrement audio du British Entertainment History Project où Don Sharp s’entretient avec Teddy Darvas et Alan Lawson
  • BEHP Interview d’Ernest Steward – Part Two: From Teddington to ‘Carry On, enregistrement audio du British Entertainment History Project avec le chef opérateur.
  • Un long interview de Christopher Lee par The Guardian (1994, 87 mins) conduit par David Robinson
  • Vic Pratt présente ‘The Brides of Fu Manchu’ (2020, 7 mins)
  • Pages of Peril (2020, 21 mins) : le critique et auteur Kim Newman parle de Sax Rohmer and des romans Fu Manchu
  • Bande annonce et spot TV
  • Galerie photos et matériel promotionnel

The Vengeance of Fu Manchu

  • BEHP Interview de Jeremy Summers (2001, 72 mins) : enregistrement audio du British Entertainment History Project avec Summers en conversation avec Darrol Blake
  • Vic Pratt présente ‘The Vengeance of Fu Manchu’ (2020, 7 mins)
  • Tall, Lean and Feline (2020, 50 mins) : l’historien du cinéma Jonathan Rigby, auteur de English Gothic, évoque la première partie de carrière de Christopher Lee
  • The Cheque’s in the Post (2020, 5 mins) : le premier assistant directeur Anthony Waye se souvient d’Harry Alan Towers and de Fu Manchu
  • The Ghost of Monk’s Island (1966, 93 mins) : un long métrage de Jeremy Summers, film de mystère pour enfants.
  • Générique d’ouverture alternatif
  • Bande annonce
  • Galerie photos et matériel promotionnel

The blood of Fu Manchu

  • Deux présentations du film : avec le générique d’origine The Blood of Fu Manchu et l’alternatif Kiss Me to Death
  • Vic Pratt présente ‘The Blood of Fu Manchu’ (2020, 7 mins)
  • The Men Who Killed Fu Manchu? (2020, 41 mins) : l’auteur et musicien Stephen Thrower évoque Jesús Franco et Harry Alan Towers
  • Any Way to Save Money (2020, 11 mins) : le deuxième assistant opérateur Ray Andrew se souvient d’Harry Alan Towers et de Fu Manchu
  • The Mystery of Dr. Fu-Manchu : ‘The Fiery Hand’ (1923, 37 mins) : un épisode effrayant du serial muet avec Harry Agar Lyons et une nouvelle partition (optionnelle) du groupe Peninsula
  • Générique d’ouverture alternatif
  • Tests de couleur : images de production inédites de Christopher Lee et Tsai Chin
  • Bande annonce anglaise
  • Bande annonce américaine de Kiss and Kill
  • Galerie photos et matériel promotionnel

The castle of Fu Manchu

  • Deux présentations du film : avec le générique d’origine The Castle of Fu Manchu et l’alternatif  Assignment Istanbul
  • Original mono audio
  • Vic Pratt présente ‘The Castle of Fu Manchu’ (2020, 7 mins)
  • From Alicante to Istanbul (2020, 13 mins) : l’actrice Rosalba Neri se souvient de Jesús Franco, Maria Rohm et du tournage de The Castle of Fu Manchu
  • Interview d’Harry Alan Towers (2008, 45 mins)
  • The Further Mysteries of Dr. Fu-Manchu : ‘The Coughing Horror’ (1924, 31 mins) : un épisode du serial muet avec une nouvelle partition (optionnelle) du groupe Peninsula, dans lequel Fu Manchun tourmente Nayland Smith avec une terrifiante creature.
  • générique alternatif
  • Bande annonce originale
  • Galerie photos et matériel promotionnel
Coffret Blu-Ray édité par Powerhouse films
Les films possèdent des sous-titres en anglais uniquement.

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A propos de Olivier ROSSIGNOT

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