[Réédition de la critique parue le 01/11/2023 pour la sortie salles]
Au Texas, en 1979, dans un de ses villages reculés où le bruit d’une tronçonneuse pourrait interrompre le chant des cigales à tout instant, se trouve une maison blanche aux planchers ensanglantés. Le téléviseur continue aveuglement de délivrer le monologue d’un fanatique religieux implorant l’Amérique de ne pas céder aux sirènes du Diable. Le shérif et son adjoint examinent les lieux d’un massacre, sidérés.
Les murs portent les stigmates de la rencontre brutale entre deux mondes. D’un côté, une bande de jeunes venue de la ville pour tourner un film pornographique, de l’autre, un couple de retraités campagnards imprégnés de puritanisme chrétien. X est le récit de cette cohabitation qui a viré au cauchemar. Sous l’accablant soleil texan, les corps frais et insouciants sont épiés par la vieillesse qui rode, jalouse et médisante. Jusqu’ici, un appréciable mais classique slasher prend forme. Mais l’œil de Ti West hésite entre le camp de la luxure et celui de l’envie. Si a priori les vieux sont des figures inquiétantes, prêtes à punir mortellement les âmes un peu trop libérées à leur goût, très vite la caméra se sent flottante, corruptible aux états d’âmes de ces monstres qu’elle vient de créer.
Pearl tombe sous le charme de Maxine, qui livre ses performances sexuelles sous les yeux admiratifs de l’équipe technique du futur film. Un désir brûlant s’empare de sa chair flétrie. Désir que personne ne semble vouloir approcher, et encore moins assouvir, pas même son mari, trop cardiaque pour se risquer à des ébats sulfureux. La scène du premier meurtre qui découle de cette amère frustration compatit facilement, dans une sorte de female gaze, avec le monstre dont le désir est rejeté par un personnage masculin peu glorifié jusque là. Le film se montre d’ailleurs plus aimable avec ses personnages féminins, qu’ils soient victimes ou bourreaux.
La compassion pour les vilains en mal de tendresse atténue l’horreur de leur actes en redessinant un nouvel ennemi commun : le temps. Le temps qui reprendra fatalement la fougue de la jeunesse, le temps qui confisquera la beauté sans anéantir le désir. Mia Goth sublime en Maxine, terrifiante en Pearl, ne fait que confirmer l’uniformité de ces deux destins. Même si la future star du porno parvient à s’échapper de cette joute terrible de générations, qu’elle semble libérée de la morale délétère et pourrissante qui résonne encore dans ses décombres, il y aura toujours cet ennemi qui rode. Celui là même qui a conduit Pearl sous ses draps.
Ti West dresse le tableau central d’un triptyque envoutant sur ses deux héroïnes au même visage. Et il nous tarde de pouvoir en admirer d’avantage.
Suppléments
Making-Of
« The Farmer’s Daughter’s » – Le film
« Incarner Pearl »
Bandes annonces françaises – VF et VOSTF
DVD et Blu-Ray édités par Kinovista
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