« [Le Western] n’a aucune règle et avec lui, tout est possible […] De lui, surtout, naît la légende et c’est la légende qui donne le meilleur du cinéma. » Anthony Mann
Du colt pointant le spectateur dans Le Vol du Grand Rapide (1903), à la panoplie poncho-cigarillo de l’Homme Sans Nom cher à Sergio Leone, de la rigueur morale portée en étendard d’un John Wayne, à la décontraction de Steve McQueen, la figure du cowboy dans le septième art a connu, au fil du temps, de nombreuses mutations. Il est devenu un archétype cinématographique en même temps qu’une représentation filmique fantasmée et déformée, symbole des valeurs et problématiques de l’Amérique. Avec ce coffret comprenant six films et un livre aussi passionnant que richement illustré signé Louis-Stéphane Ulysse, Carlotta et GM éditions proposent de se pencher sur la place du western dans l’imaginaire collectif, en évoquant ses auteurs majeurs (formidable chapitre sur la vie et la carrière du grand John Ford) ainsi que ses plus mémorables interprètes. Une exploration en profondeur d’un genre purement états-unien, afin d’en saisir la portée politique et sociale, source d’une véritable mythologie pour le pays de l’Oncle Sam.
Le mythe fondateur.
Ulysse revient donc, de manière chronologique, sur la création fictionnelle de la figure de l’homme au Stetson. En effet, le cowboy, tel que Hollywood l’a façonné, trouve son origine, non pas dans la réalité de la vie des garçons vachers, modestes travailleurs (mexicains ou noirs pour la plupart), vivant comme des vagabonds, mais dans sa représentation scénique telle que Buffalo Bill la présentait dans ses « Wild Shows » itinérants. Pantomimes censées refléter la vie des héros du Far West, ces spectacles instaurent une imagerie qui ne changera guère au fil des années (santiags, chapeau et Colt à la ceinture). En filmant ces spectacles, lors des premiers essais du cinématographe, Thomas Edison fait passer ces personnages de figures théâtrales à créatures filmiques, purs objets de divertissement. Le cinéma naît alors que la Conquête de l’Ouest s’achève, l’Amérique, encore jeune, a donc besoin de modèles prompts à diffuser ses valeurs, son idéal, elle doit se constituer une mythologie, une genèse. C’est justement ce que le western (fort de l’héritage de Buffalo Bill) se chargera de mettre en œuvre, faisant du cowboy, un héros, un porte-drapeau digne des champions de la Grèce antique, incarné par des figures aussi marquantes que James Stewart, Henry Fonda et, bien évidemment, John Wayne.
Pour son premier film en tant que réalisateur, Wayne choisit un western, genre qui lui a permis de se faire un nom, et met en images avec Alamo (1960) un événement réel, la résistance de courageux Texans lors du siège de Fort Alamo, par les troupes mexicaines en 1836. Parfait représentant du gigantisme et de la folie des grandeurs d’un Hollywood en perte de vitesse et qui ne va pas tarder à devoir se réinventer, le long-métrage prend les atours du film de guerre historique pour mettre en avant des personnages de pionniers, vaillants Américains luttant pour faire triompher la liberté et leurs valeurs. Vision simpliste de l’Histoire, le film est un véhicule à la gloire du « Duke », ici dans le rôle du légendaire trappeur Davy Crocket. Contrairement aux cowboys, les trappeurs sont de vrais aventuriers, les défricheurs du Nouveau Monde, dont les aventures sont lues aux enfants et étudiées à l’école. L’acteur, légende du cinéma, choisit donc d’interpréter un personnage historique plutôt qu’un fantasme cinématographique, revenant, ainsi, aux sources du mythe. Dès le générique, et son plan sur le fort désert, évoquant les tableaux de Frederic Remington, le film pose une ambiance solennelle, les personnages, tous dignes et valeureux, sont présentés comme des symboles vertueux, fidèles aux principes fondamentaux d’une Amérique de carte postale (la communauté, la religion, la famille et la bravoure au centre du film). Mais si Alamo a marqué les esprits c’est par sa scène de bataille finale, ample et impressionnante, composée de plans larges où des centaines de figurants s’affrontent dans des tableaux dantesques. Évoquant les grandes guerres de la mythologie grecque (les épisodes des Thermopyles et de Marathon en tête, avec son jeune soldat en lieu et place de Philippidès), cette séquence fait le lien entre les grands récits antiques et l’histoire américaine, dans une forme cinématographique qui marquera les générations suivantes, et dont on retrouve les échos aussi bien chez John Carpenter (dans son fondateur Assaut) que chez Michael Bay (pour le récent 13 Hours).
Le colosse de Rome.
Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, aux États-Unis, la télévision a pris de plus en plus d’importance dans les foyers (beaucoup de stars émergent, alors, du petit écran), Hollywood choisit alors de multiplier les projets toujours plus grands, toujours plus chers, afin de survivre et concurrencer les « networks » dans une course au gigantisme qui lui sera fatal. En Europe, un nouveau cinéma apparaît, réinventant la culture américaine à travers ses propres codes. C’est le temps des westerns allemands avec Winnetou et bien évidemment italiens (connus sous l’adjectif de « spaghetti ») avec l’émergence de noms comme Sergio Leone, Sergio Corbucci (Django, Le Grand Silence) et Sergio Sollima (Colorado). Leone, figure de proue du genre, fait la transition entre le péplum, dont il est issu (la mythologie, encore une fois) et les légendes de l’Ouest. Il fait de Clint Eastwood, alors jeune acteur de télévision dans la série Rawhide, une icône du septième art et retourne les conventions du genre. Ici les cowboys ne sont plus des figures valeureuses, des shérifs intègres cherchant à créer une communauté soudée, mais des individus cyniques et sans pitié, se débattant dans un monde en pleine création, encore sauvage et hostile. Le réalisateur s’écarte des influences purement américaines et s’inspire de l’art européen (les paysages constellés de ruines de Giorgio de Chirico, l’humour loufoque de la Comedia Dell’Arte) et du cinéma asiatique, Akira Kurosawa, et ses personnages violents et mutiques, en tête (Pour une Poignée de Dollars étant un remake officieux de Yojimbo du réalisateur japonais). Après avoir tourné sa « Trilogie du Dollars », trois films injustement considérés à leur sortie comme de simples séries B, il s’attaque à sa grande fresque sur la naissance de l’Amérique : le monumental Il Était une Fois dans l’Ouest en 1968.
Film culte s’il en est, tout a déjà été dit sur ce chef-d’œuvre opératique de Sergio Leone, de la perfection de sa mise en scène, où la nature semble écraser les hommes (à l’image de ces plans très larges sur les paysages de Monument Valley), à la musique inoubliable d’Ennio Morricone. Le cinéaste s’empare d’un décorum américain (en allant filmer certaines scènes en Arizona, alors que ses précédents films étaient exclusivement tournés en Espagne) pour y accoler son style profondément européen, plein de bruit, de fureur et de second degré, afin de donner sa propre vision du mythe. Il est question de la Genèse du « pays de la liberté », de la naissance d’une civilisation qui, pour le marxiste qu’il était, s’accompagne surtout de l’avènement du capitalisme et de son avancée inexorable, symbolisés ici par ce chemin de fer qui progresse en même temps qu’il se construit, sans ralentir, comme inarrêtable. La légende de la communauté unie est mise à mal par ces personnages de cowboys solitaires, figures d’un Ouest sauvage aux valeurs ancestrales en train de disparaître au profit d’une civilisation intéressée et vile, qu’ils vont combattre, fuir ou s’y adapter. Harmonica (Charles Bronson) poursuit sa quête d’une vengeance familiale, Cheyenne (Jason Robards) se terre, échappant à ceux qui le traquent, quant à Franck (Henry Fonda, légende vivante, ici dans un contre-emploi parfait) il pactise avec le grand Capital, s’adaptant pour survivre, dans un geste darwiniste. Au milieu de tous ces personnages violent et brutaux, qui se détruisent ou s’éteignent lentement, Jill (magnifique Claudia Cardinale), jeune femme ayant fui sa terre natale, tentant de se (re)construire tant bien que mal, est la personnification de cette Amérique, encore balbutiante mais déjà fascinante, dont le réalisateur était farouchement amoureux.
« Du sang, de la sueur et des larmes. »
En plein bouleversement politique et social (assassinat de Kennedy, lutte pour les droits civiques, guerre du Viêt Nam…), les États-Unis connaissent, dans les années 60, une période de révolution et de remise en question. La violence du conflit, omniprésente dans les médias, la méfiance grandissante vis-à-vis de l’État et la remise en cause des institutions, renvoient les anciennes idoles au placard et les cowboys, symboles d’un passé révolu et de valeurs à proscrire, n’intéressent plus personne, ou presque. En 1967, Bonnie and Clyde d’Arthur Penn change la donne en représentant frontalement une violence graphique tout en mettant en avant des figures de hors-la-loi, en romançant la vie de criminels en lieu et place des sacro-saints shérifs redresseurs de tort, et inspire la génération du Nouvel Hollywood qui ne tardera pas à faire parler d’elle.
C’est dans ce contexte que Sam Peckinpah s’attelle à un film qui restera comme l’un de ses plus marquants : La Horde Sauvage (1969). Centré sur une bande de malfrats, menée par le charismatique Deke Thornton (Robert Ryan), pourchassée, suite à un braquage qui a mal tourné, par Pike Bishop (William Holden), un ancien frère d’armes qui s’est rangé du côté de la loi, le long-métrage, sous influence de Sergio Leone, malmène la mythologie de l’Ouest. Dès le premier plan, un groupe d’enfants en train de brûler vif un scorpion, le réalisateur expose toute la violence et le cynisme inhérents à son cinéma. La horde est ensuite introduite, ses membres déguisés en représentants de l’ordre (en l’occurrence des militaires) afin de perpétrer leurs méfaits, à l’image du réalisateur qui s’empare d’un genre classique et codifié afin de mieux le faire imploser. S’ensuit une séquence de fusillade, brutale et chaotique, à laquelle les membres d’une ligue de vertu anti-alcool se retrouve mêlés, un maelström bouillonnant d’images sanglantes, de coups de feu et de corps sans vie. En dix petites minutes, le cinéaste préfigure la dernière (et cultissime) scène de gunfight et fait état de sa vision de l’Amérique, un pays tiraillé entre sa fascination pour la violence et son attachement à des valeurs puritaines. Pourtant, malgré cet acharnement à bousculer les conventions, les grandes figures mythiques sont toujours là : les frères ennemis, la vengeance et la trahison, la communauté soudée, jusqu’à ce plan sur le corps du jeune Angel traîné derrière une voiture, comme un écho à Achille faisant le tour de la ville de Troie, tirant derrière son char le cadavre d’Hector. Les cowboys ne sont plus ce qu’ils étaient et il se dégage de ces vieux briscards revenus de tout une vraie mélancolie, ils ne sont plus que des fantômes au milieu d’un pays en pleine transformation (western « tardif » puisqu’il se situe au début du vingtième siècle, les armes deviennent automatiques, la voiture est déjà un objet de fantasme), l’âge des héros et révolu, le monde ne veut plus d’eux. Le film se lit alors comme un long chant funèbre, sauvage et sanglant, en l’honneur d’un idéal et d’un genre tout entier, comme dans cette scène où, quittant un village indien, la bande se retrouve entourée par les habitants qui entonnent une mélopée funèbre, comme pour les bénir avant leur dernier voyage. Dans une dernière séquence, d’une noirceur et d’un nihilisme absolus, Peckinpah ne montre rien d’autre que des ruines, des corps et des charognards, véritables vainqueurs de cette agonie cinématographique.
Rebâtir le temple.
Cowboy taiseux et nonchalant chez Leone, shérif urbain chez Don Siegel (dans L’Inspecteur Harry), Clint Eastwood continue de bâtir sa légende en tant que metteur en scène, se situant au carrefour de la foi profonde dans les valeurs américaines et de la représentation de ses ambiguïtés et contradictions. Ulysse qualifie son cinéma comme étant à mi-chemin entre « la jubilation leonienne du coup de feu qui part en dévastant tout sur son passage et le regard humaniste, la notion du périple, propres à John Ford»(1). Après L’Homme des Hautes Plaines (1973), étrange western à la lisière du fantastique, il revient au genre en 1976 avec Josey Wales Hors La Loi, et donne sa propre vision de l’Ouest, à travers le prisme de son époque qui voit les États-Unis divisés, encore meurtris par les bouleversements qu’ils viennent de connaître.
Suivant le parcours de Josey Wales, paisible fermier que le meurtre de sa famille par une bande de pillards va pousser à la vengeance, le film aborde les thèmes de la renaissance et de la reconstruction. Situé dans un pays déchiré par des années de guerre de Sécession, il se place du côté des Sudistes, où Wales s’engage, non par convictions, mais pour traquer les meurtriers se trouvant dans « le camp du bien » Nordiste. La violence appelant la violence (à l’image de ce plan où un revolver semble apparaître au héros, comme par magie, dans les cendres de sa maison calcinée), le long-métrage débute par la quête de revanche d’un homme, avant se muer peu à peu en récit picaresque. Eastwood entame là son exploration de l’Amérique du point de vue de ses figures les plus discutables ou sujettes à controverses, comme ce sera encore le cas, des années plus tard, dans l’excellent American Sniper. Au cours de son périple, Wales rencontre de nombreuses personnes qui vont se joindre à lui, se reconnaissant dans son combat, dans son histoire tragique. Parmi elles, Lone Watie, un vieil Indien plein d’ironie, ou une mère et sa fille venues retrouver un parent ayant soi-disant fait fortune dans une mine d’or. Le réalisateur en profite pour détruire les mythes de l’Ouest, celui de la ruée vers l’or, avec l’image de ce village de pionniers totalement désert et en ruines, ou encore l’apport de la civilisation à une terre dite « sauvage », comme lorsque Lone parle de sa venue à Washington. Là où les États-Unis, nouvellement unifiés, peinent à rassembler sur des lois, sur une constitution, le héros va réunir les laissés-pour-compte partageant des valeurs communes, adhérant à sa vision de communauté de leur plein gré, gagnant leur confiance par ses actions. Devenu une légende (son récit traverse le pays) il s’impose en figure christique, réunissant ses « apôtres » autour d’un idéal (à l’image de la petite troupe prenant forme dans Les Quatre de l’Apocalypse de Lucio Fulci), une sorte de Moïse guidant son peuple vers une terre promise, transformant son histoire de vengeance sanglante en récit de fondation, en construisant plus qu’en ne détruisant.
Le crépuscule des Dieux
Dans cet Olympe cinématographique, de grandes figures de cowboys mythiques se détachent, de James Stewart à Charles Bronson, d’Yul Brynner à Lee Van Cleef, mais un acteur, issu de la télévision où il interprétait le fameux Josh Randall d’Au nom de la Loi, va imposer son style unique, tout en décontraction : Steve McQueen. Figure des années 70 avec ses rôles dans des films aussi cultes que L’Affaire Thomas Crown ou Bullit, le comédien va, en cette année funèbre pour le western qu’est 1980 (date de sortie de La Porte du Paradis, dont l’échec retentissant signera la mort du genre, avec Michael Cimino comme fossoyeur) tourner un film en forme de chant du cygne, aussi bien pour lui que pour tout le mythe qu’il convoque.
Tiré de l’histoire vraie de l’homme qui a vaincu Géronimo, Tom Horn suit le parcours de cette légende de l’Ouest vieillissante, engagée par des promoteurs pour se débarrasser d’un gang de voleurs de bétail. Proposé dans un premier temps à Peter Yates, qui jeta l’éponge au tout début de la production, le film revient finalement à William Wiard, un réalisateur issu de la télévision, qui a notamment œuvré sur la série Bonanza. En découle une mise en scène assez fade se reposant uniquement sur la figure du « King Of Cool », et un long-métrage inégal malgré ses nombreux et passionnants parallèles entre le personnage de Horn et son interprète. Affaibli et malade au moment du tournage (il s’agit de son avant-dernier film avant le posthume Le Chasseur) McQueen impose son charisme et s’avère parfait en héros désabusé, revenant à l’origine même du cowboy de manière humble (il redevient gardien de troupeaux). À l’image du western en train de s’éteindre, ne trouvant plus sa place dans une Amérique prête à basculer dans le reaganisme et ses action-stars bodybuildées, nouveaux demi-dieux de la mythologie hollywoodienne, Tom Horn est un homme du passé, dont les valeurs ancestrales ne sont plus en phase avec ce nouveau monde. Mal à l’aise avec la haute société (comme dans cette scène de banquet où il ne comprend pas comment manger un homard), il est vu de haut à la fois par ses employeurs, mais aussi par les politiques et les médias, qui le considèrent comme un individu rustre et dangereux. Bien qu’ayant eu besoin de lui pour éliminer les Indiens par le passé, sa violence ne correspond désormais plus à leur nouvel idéal de paix et de justice. Il est, à l’inverse, perçu comme un fantasme, un vestige chevaleresque, par le personnage de Glendolene (interprété par Linda Evans), jeune institutrice qui rêve de la Conquête de l’Ouest comme d’une époque bénie où tout était encore possible. Plus proche du polar 70’s que du western dans sa forme et dans son récit de chasse à l’homme, l’image traditionnelle du cowboy émerge pourtant lors d’une scène de fusillade où le protagoniste est iconisé à travers ses clichés (le Stetson, la Winchester, le bruit des éperons), comme la dernière apparition fugace d’une légende, d’une époque, d’un genre, avant de retourner au néant…pour quelque temps du moins.
Les disciples.
Aujourd’hui, alors que les studios sont en plein essor et que Hollywood revient à une ère de budgets inflationnistes, le western ne fait plus recette, la figure du super-héros ayant remplacé le cowboy dans les superproductions, nouveaux champions représentant l’Amérique dans l’industrie cinématographique. Bien que certains blockbusters très récents s’inspirent directement du genre (Logan et ses références à Shane de George Stevens ou encore La Planète des Singes : Suprématie), dans une volonté de retour aux fondamentaux, et que d’autres productions, plus modestes, essayent de revenir à une forme de western classique (le remake de 3h10 pour Yuma ou le récent Hostiles), la plupart du temps, les auteurs s’en emparent afin d’évoquer l’Ouest autant que le septième art. C’est le cas de Quentin Tarantino avec Django Unchained, Alejandro González Iñarritu et son The Revenant et bien sûr des frères Coen avec leur magnifique True Grit.
Remake d’un film de Henry Hathaway avec John Wayne (100 Dollars pour un Shérif dans la langue de Molière), le long-métrage de Joel et Ethan Coen suit le parcours de Mattie (Hailee Steinfeld), jeune fille têtue et volontaire, venue à la ville pour engager un vieux Marshal alcoolique afin de retrouver et tuer l’assassin de son père. En choisissant le fidèle Jeff Bridges en lieu et place de Wayne dans le rôle du bourru Cogburn, les réalisateurs inscrivent leur premier « vrai » western à la fois au cœur de leur fascinante filmographie et dans la grande tradition du genre, profitant de l’occasion pour développer, comme à leur habitude, une mise en abyme du cinéma. Ils présentent, ainsi, un héros vieillissant, alcoolique, condamné pour sa brutalité (alors que la violence est devenue un spectacle, comme dans cette scène de pendaison en place publique). Cogburn est l’Ouest sauvage, le cowboy dans toute sa splendeur, avec ses valeurs, ainsi l’argent ne l’intéresse pas alors que la société entière semble dominée par le profit (à l’image de cette séquence, très drôle, où Mattie doit négocier le prix de ses poneys), et la légende qu’il porte avec lui. Un personnage à l’opposé de LaBeouf, incarné par Matt Damon, Ranger haut en couleur, vantard et fanfaron (il finira d’ailleurs, la langue coupée), que le vieux Marshal considère comme un clown de rodéo (préfiguration du western-spectacle de Buffalo Bill). Le film emmène ses héros vers une forme mythologique, à travers cette tragédie de la vengeance, bien sûr, mais également lors de plans zénithaux où ils semblent être scrutés par les dieux, à la merci de leur jugement, ou encore à l’image de ce fleuve, véritable lieu de passage, de transition, duquel on ne peut plus faire marche arrière, et qui renvoie aux légendaires rivières Styx ou Rubicon. En reléguant le personnage interprété par Bridges à une simple créature de Wild Show dans le dernier acte, les Coen reviennent sur l’histoire d’un genre filmique, mais aussi celle de l’Amérique et de ses héros, passés de légendes de l’Ouest sauvage à créatures de scène puis de cinéma.
Carlotta propose également un deuxième coffret, cette fois centré autour de la figure de l’Indien dans le western, comprenant 6 DVD et un autre livre signé Louis-Stéphane Ulysse.
(1) Louis-Stéphane Ulysse, Une Histoire du Western : Les Cowboys, GM Éditions, p.130
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