Après une sortie discrète en dvd quelques années auparavant chez Metropolitan, Le chat qui fume édite enfin en Blu ray le formidable, Waxwork, quintessence de la série B horrifique des années 80 dans le sillage des productions Empire de Charles Band. Fils de Douglas, artisan des seventies à qui l’on doit essentiellement le fabuleux Théâtre de sang, l’anglais Anthony Hickox n’a pas 30 ans lorsqu’il tente sa chance aux États-Unis pour son premier long métrage. Fidèle à ses origines british, il s’adjoint les services précieux de deux comédiens formidables, références quasi iconiques du genre, David Warner, inoubliable en Jack l’éventreur dans C’était demain et Patrick McNee associé à jamais à Chapeau melon et bottes de cuir. Ces vieux briscards sont entourés de jeunes comédiens sans envergure, modèles stéréotypés des teen-horror en vogue.
Cette association contre-nature entre l’ancien et le moderne, le classicisme des productions Hammer et l’épouvante clinquante des eighties déploie des trésors d’inventivité. L’hybridation de style et de tons dynamise un récit excitant et ultra référentiel. Anthony Hickox a trouvé le moyen grâce à un scénario ingénieux d’aborder la plupart des mythes du cinéma d’épouvante classique à travers son film, hommage à peine voilée à L’homme au masque de cire d’André de Toth et au Crime au musée des horreurs, d’Arthur Crabtree. Sans omettre, évidence suprême, les chefs-d’œuvre de la Universal et de la Hammer.
L’histoire de ce cabinet de curiosité n’est finalement qu’un prétexte pour plonger le spectateur dans un imaginaire cinéphilique à la fois ludique et nostalgique. Le récit prend cadre dans une de ces petites villes paisibles de banlieue américaine, où l’étrange David Lincoln ouvre un musée de cire consacré aux monstres légendaires issus du folklore fantastique. Des étudiants en mal de sensations fortes sont invités à pénétrer dans ces lieux de perdition pour une visite nocturne. Excités par l’idée, ils acceptent l’invitation et s’y rendent pour leur plus grand malheur. Car une fois à l’intérieur, ils découvrent les scènes reproduisant les forfaits de ces créatures, sans se douter que chacune d’entre elles est en réalité un portail dimensionnel conduisant à leur repaire. Lincoln (sic) dessine un plan diabolique : ramener ces entités maléfiques, vestige d’un passé imaginaire ou réel en sacrifiant les pauvres brebis égarées.
Ne pas se fier au premier quart d’heure, pénible introduction au cœur d’un teen-movie affichant une vulgarité effrayante dominée par la ringardise des dialogues et les tenues vestimentaires et les coiffures atroces des jeunes protagonistes dont le personnage principal est interprété par Zach Galligan essentiellement connu pour être le gentil héros des deux Gremlins de Joe Dante. Volontaire ou non, cette grossière entrée en matière produit l’effet voulu, contrastant avec l’élégance glacée et glaçante du propriétaire du musée qui semble provenir d’un autre siècle. Figure fascinante, Lincoln juge finalement -à raison- que ces jeunes ne méritent pas de s’éterniser sur cette terre, à contrario de toutes ces figures horrifiques qui hantent l’imaginaire collectif : le loup garou, la momie, le morts vivant, le comte Dracula, la sorcière, le fantôme de l’opéra, l’homme invisible … et le marquis de Sade, étrangement associé à une figure maléfique. , les amateurs les plus perspicaces reconnaitront le bébé du film Le monstre est vivant et un cocon de L’invasion des profanateurs de Sépulture, disséminés à l’intérieur de ces lieux inquiétants.
Construit sous forme de mini-sketches, rappelant certaines productions de la Amicus, Waxwork se transforme en délirante série B décomplexée et jouissive dotée d’effets spéciaux réussis de Bob Keen (Hellraiser, Candyman) et d’une photographie aux couleurs à dominante rouges, bleus et vertes évoquant les grandes heures du gothique italien du Moulin des supplices à Opération peur. Toutes ces références ne desservent jamais un spectacle son et lumière attractif, sympathique virée dans un train fantôme créé par un esprit gentiment pervers et cultivé. Habile cinéaste, doué d’un sens de la mise en scène évidente, Anthony Hickox maintient un rythme soutenu jusqu’au dénouement. Le film manque parfois d’audaces, notamment dans le segment où intervient un Marquis de Sade d’opérette, décrit comme un sadique pervers, très éloigné de la réalité, ne faisant nulle mention de son génie littéraire ni de ses années passées en prison. Une petite concession puritaine validée par le traitement très chaste de certaines séquences au fort potentiel érotique. Passé cette légère frustration, cette absence de frisson nécessaire à toute production déviante d’un Roger Corman ou d’un Charles Band, Waxwork se déguste comme un joyeux festin horrifique, animé d’une sincérité absolue envers le cinéma de genre. Après un remarquable Sundown, beau film de vampire, Anthony Hickox signera une suite moins brillante mais sympathique sobrement intitulée Waxwork 2. Étoile filante d’une série B vintage sur le déclin, Anthony Hickox ne parviendra jamais à dépasser le niveau de ses premiers films, sombrant même parfois dans d’indignes pitreries pathétiques, obligé de filmer paresseusement les combats de Steven Seagal dans The Submerged (Piège en eaux profondes). Ses petits thrillers vigoureux, en l’occurrence Payback adaptation officieuse du Facteur sonne toujours deux fois de James Cain et Témoin sous protection, méritent néanmoins d’être réévalués.
Auréolé du grand prix de la peur au festival d’Avoriaz en 1989, Waxwork reste la pièce maîtresse de ce petit maître de la série B qui aurait pu quelques décennies auparavant devenir un grand cinéaste. Hélas, certains talents en herbe naissent trop tard.
Bénéficiant d’un master magnifique redonnant une seconde jeunesse aux images colorées de Gerry Lively, le combo DVD/Blu ray comporte un « Making off « instructif, insistant particulièrement sur la passion et la sincérité avec laquelle le cinéaste s’est investi corps et âme pour son premier long métrage.
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