Dans La vie d’Adèle chapitres 1&2, Abdellatif Kechiche signait un manifeste pour la liberté d’aimer et de désirer qui l’on veut. Le sixième film du cinéaste s’annonce aussi comme un hymne à la vie et à la jeunesse, une ode à la liberté et au désir. La liberté s’inscrit ainsi dans cette fausse désinvolture qui circule entre ces corps adolescents, regorgeant de lumière mais aussi dans la volonté et la persévérance du cinéaste pour l’aboutissement de l’œuvre rêvée (dans La vie d’Adèle). Mektoub My Love : Canto Uno sera ainsi bel et bien constitué de deux chapitres.
S’il semble ouvrir un nouveau pan plus accidentel dans l’œuvre d’Abdellatif Kechiche, ce dernier film apparaît aussi comme une synthèse, et renoue avec les thèmes chers au réalisateur. De cette volonté de filmer une sexualité crue et assumée, en passant par cette si rare justesse à dépeindre l’adolescence comme une période où se côtoient la vacuité et le sublime, jusqu’à la révélation d’une France multiculturelle ; c’est sans doute ce dernier axe, qui confirme, une fois de plus, l’indispensable place de ce réalisateur dans le paysage cinématographique français.
La représentation de la communauté d’origine maghrébine dans La Graine et le Mulet et le succès que rencontre le film, permettait à Kechiche de présenter une image nouvelle de la communauté maghrébine, et d’affirmer sa présence comme partie intégrante de la société française. Mektoub My Love : Canto Uno pousse encore plus loin cette révélation d’une France métissée et plurielle. La liberté prise avec les codes formels de la narration conforte ainsi la libre circulation des identités. L’amour et le désir courent avec cette légèreté propre à l’insouciance de la jeunesse abrogeant sur son passage toutes les frontières, tant culturelles que sexuelles.
Depuis La faute à voltaire, Abdellatif Kechiche use du plan séquence pour filmer la vie telle qu’elle est, telle qu’elle se déploie sous nos yeux. C’est par cette même stratégie d’élongation du temps qu’il nous restitue des plans qui frappent par leur véracité, à l’instar de cette séquence subjuguante où il nous donne à voir le miracle de la naissance, le miracle de notre être au monde. Cette séquence, on la suit à travers le regard d’Amine, le personnage principal du film, un doux rêveur qui affectionne les prises de vue en argentique et les films singuliers. On ne peut alors s’empêcher de voir en Amine l’alter ego du cinéaste, celui qui observe et guette la vie, tout comme Kechiche épie ses acteurs en attendant que le miracle survienne.
Shaïn Boumedine, l’acteur incarnant le personnage d’Amine, apparaît alors comme un nouvel espoir découvert par le cinéaste, et vient ainsi rejoindre ses compères féminines Sarah Forestier, Adèle Exarchopoulos, et Hafsia Herzi que l’on retrouve ici avec la verve et le naturel inoubliable qui l’ont révélée dans La graine et le mulet.
Il s’agit ainsi d’un film de retrouvailles où la présence de certains acteurs, tel que Salim Kechiouche, qui incarne ici avec une grande justesse un séducteur invétéré, tisse un lien avec les précédents films et nous donne l’impression de retrouver une famille. Une famille française, maghrébine, qui nous invite, le temps d’un film, à nous lover dans cette éternelle nostalgie de notre jeunesse.
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