Agathe Riedinger -« Diamant brut »

En compétition officielle au Festival de Cannes 2024, ce premier film d’Agathe Riedinger poursuit avec la démarche de son court-métrage centré autour d’une jeune fille dont le plus grand rêve était d’apparaître dans une émission de télé-réalité : Diamant brut en conserve l’éclat et la singularité. Liane, 19 ans, jeune fille incandescente, vit avec sa mère et sa petite soeur sous le soleil de Fréjus. Obsédée par la beauté , elle veut devenir quelqu’un, avoir une place, et voit en la télé-réalité la possibilité de concrétiser ce désir.

Là où le corps  a été souvent aliéné dans le récit et la surface de l’écran, Agathe Riedinger le libère, en lui rendant une puissance incroyable : en lui donnant la complexité de ses déterminations propres. Donner à voir le corps de Liane (Malou Khebizi), c’est en faire ressentir les éclats : en révéler la nudité première. Liane, de tous les plans, est au monde avec tout ce qu’elle a en elle d’espérance et de douleurs. Enfermée dans un seul désir de « polissage» (collage de brillants sur les escarpins et le visage, mise en cheveux et en vêtements clinquants et en transparence), elle brille de mille feux, réfléchissant en apparence une lumière toute artificielle, celle de son rêve de star. Le regard et la mise en scène d’Agathe Riedinger la dépouillent de ces apparats et la jeune femme retrouve là sous nos yeux, dénudée de ces mirages : elle devient un diamant brut par un corps dont la palpitation, la puissance d’être dépasse l’enveloppe de la représentation. Car le désir de Liane avant tout, c’est d’être aimée. Et celui de la cinéaste, nous la faire aimer.

Diamant Brut peut sembler défier le « bon goût » avec son héroïne obsédée par tous les «fards» qui lui permettront de devenir la star de « Miracle Island » (au nom on ne peut plus ironique et significatif), Liane déborde, comme le maquillage sur ses yeux ou ses ongles . Ce débordement, c’est l’attente fiévreuse d’une consécration, mais plus encore d’une tendresse, d’un regard plein de compréhension et d’affection. D’ailleurs le corps de Liane ne tient pas dans la place que pourraient lui assigner les affects qui la traversent. Il a en lui un surplus ou un écart par rapport à ce qu’il montre, comme si la frontalité du cadre et les gros plans étaient une effraction nécessaire s’insérant dans la douceur et la beauté de son être. Parce que peut-être n’y a t-il pas d’autre manière de s’affranchir d’un regard normé, pétri de préjugés. S’en tenir à la mesure, à l’élégance ou au bon goût, c’est aussi couvrir les abus de pouvoir d’une société qui fait de la norme et de la beauté un culte. L’excès presque monstrueux oppose alors à la norme une puissance de transgression apte à faire surgir ce nouveau corps et se départir de tous préjugés.

Diamant Brut questionne l’assignation sociale imposée à la femme : assignation à celle qui origine les fantasmes et les désirs, assignation à un sexe. Il invite à regarder autrement au delà des apparences.

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A propos de Maryline Alligier

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