Place Victor Hugo, dans le chic et morne 16ème arrondissement de Paris. Le théâtre de la vie quotidienne de ses passants se joue dans les limites d’un cadre de kiosque à journaux.
Dix ans de formation artistique ne débouchant a priori que sur un avenir incertain, Alexandra Pianelli vient en aide à sa mère qui tient le kiosque familial. L’artiste reconvertie use des moyens du bord, avec l’impulsion créatrice digne de sa nature de plasticienne. Images de crise. Le téléphone tremblant, la Go-Pro absorbant les mouvements organiques et désordonnés d’un corps cloîtré, et leur résolution contrainte donnent au film une esthétique modeste et bricolée, presque improvisée. L’histoire s’écrit au fur et à mesure de ces instants capturés sur cette économie de pixels, sans réelles préméditations. Ce récit prend instinctivement la forme d’un journal filmé dont les foules de papiers glacés égayent le coin de rue privé de couleurs. Les six années enregistrées sur différents supports, lissées, reliées par un montage moins factuel qu’émotionnel, semblent aller à toute vitesse. Entre les images mouvantes, se glissent des dessins, mais surtout des maquettes animées qui permettent de livrer des informations essentielles sur le secteur de la presse écrite et de la vente de journaux.
De son nouvel atelier, la réalisatrice montre l’enfermement et la fenêtre sur le monde, un petit monde composé de visages familiers et d’autres plus opportuns. C’est un huis clos à l’air libre où la lente agonie du papier côtoie la chaleur des clients. Le froid de l’hiver, la pluie, les fumées lacrymogènes des manifestations pénètrent cet espace si fragile. En même temps qu’elle filme un métier qui disparaît, et l’élaboration de son témoignage, Pianelli flirte sans pudeur avec le sociologique. On apprendra, sans grande surprise mais avec amusement, que les fourrures-sacs à mains cherchent le dernier Voici, et que les cravates serrées optent plutôt pour Les Échos ou Le Figaro.
Grâce à son désir d’être film et à ses histoires intimes, Le kiosque brave avec ingéniosité ses limites matérielles, tant économiques que métriques. Un premier long-métrage documentaire bricolé en solitaire mais inévitablement connecté à la vie qui s’infiltre dans ses cadres exigus.
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