Une famille mexicaine qui s’anéantit, un couple qui se décompose. La région Sauvage nous invite au spectacle de la dégradation des rapports humains, à l’implosion des cellules conventionnelles… et à une forme de reconstruction atypique. Comme une avancée salvatrice, la société patriarcale et la virilité sont de plus en plus mis à mal dans le cinéma moderne, l’idée que cette convention est désormais inacceptable. De fait, dans le film d’Amat Escalante, la charge est aussi sèche qu’explicite et nourrit le cheminement d’une héroïne qui va s’extraire lentement des mécaniques sexuelles qu’on lui impose : femme soumise jusqu’au bout dans sa place d’esclave.
Dans l’acte sexuel seul le plaisir masculin importe. « C’était bon » lance le mari sans même penser à sa partenaire – celui-même qui déteste les « tapettes », mais qui trompe son épouse avec son beau frère. Le tableau n’est pas réjouissant, le traitement à l’unisson. Profondément charnel, La région Sauvage aborde très frontalement la sexualité ; le droit au désir, au plaisir féminin devient ici l’unique moyen de consacrer sa liberté. UN élément fantastique vient se greffer au quotidien, enrayer sa mécanique et signaler son dysfonctionnement, débouchant sur une forme de réalisme magique qui constitue à la fois l’objet de l’épouvante, et une porte ouverte sur la fuite, l’évasion. Amat Escalante raconte donc l’histoire d’une frustration dénouée par l’entremise du retour à l’originel, au pulsionnel au primitif.
Les références sont évidentes, l’idée d’une monstruosité paradoxale réveillant l’extase et la sexualité refoulée ne cache pas la citation directe du Possession de Zulawski, cet hommage se déclinant pour offrir les plus charnelles et troublantes séquences du film. Escalante s’inscrit parfaitement dans la tradition du cinéma mexicain auquel appartient Reygadas. C’est extrêmement maitrisé, parfois trop et son parti pris de réalisme brut et sa propension au sordide paraît un brin volontariste et poseuse, nous laissant à distance de ses personnages. Pourtant, par delà sa forme épurée et ses thèmes, très rigoureux dans sa mise en scène, épuré dans sa forme et ses thèmes, La région Sauvage laisse une empreinte durable sur le spectateur. La dernière réplique et la dernière image sont cinglantes et magnifiques, aboutissement du cheminement de son personnage féminin vers son affranchissement des normes et l’assouvissement de son désir.
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