Ana Lily Amirpour – « A Girl Walks Home Alone at Night »

« Dans un noir et blanc sublime, une jeune femme vampire iranienne erre dans les rues d’une ville fantôme. ».

Voilà pour le film rêvé.

On imagine sans peine Ana Lily Amirpour résumer ainsi son propre film tant A Girl Walks Home Alone at Night, malgré son séduisant argument, sonne creux, fleure bon l’opportunisme et la pose. Car la déception est à la mesure du fantasme : trop bercée aux vieux Jarmush et aux Kaurismaki, son esthétique se plonge dans un univers rétro qui cultive le stéréotype du marginal, la poétique photogénique de l’errance et du road movie US qui faisait rock chez Wenders, un peu plus mode dans les années 90 mais qui « au fil du temps » s’est émoussée dans l’artifice et le mimétisme. Le héros sous le soleil dans son tee shirt moulant, les espaces vides, la route, la ville déserte renvoient à un mythologie américaine qui ne fait plus effet. La cinéaste aime tellement le cinéma que A Girl Walks Home Alone at Night est avalé par ses références. Si Bad City renvoie à Frank Miller, ce pourrait être également une ville de western, l’ombre de Leone n’étant d’ailleurs pas loin lorsque l’héroïne adopte une démarche à la Eastwood, dans lequel le tchador remplace le poncho, soutenue par une musique qui pastiche celle des westerns spaghetti. Chaque séquence ou la vampire suit une victime, ressemble aux prémisses d’un duel à l’italienne.

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Ceux qui avaient trouvé hype les vampires de Only lovers left alive  en seront pour leurs frais à la vision de cette créature de la nuit amateur de rock et de vinyles. Pourtant, parfois la beauté de ses amoureux mutiques parvient à nous sortir de notre agacement et notre torpeur, à laisser imaginer ce qu’aurait pu être le film si la cinéaste ne s’était pas laissée piégée par la tentation du « à la manière de ».Il reste en effet quelques beaux moments, une magnifique rencontre près d’un lampadaire, ou la fuite du couple en voiture, le chat trônant au milieu.

Autre idée mal exploitée, celle d’une créature féminine voilée et se libérant du joug masculin en cherchant ses proies. Le parti pris de revêtir sa vampire iranienne d’un hidjab présentait un sacré potentiel critique et métaphorique, que la cinéaste exploite peu voire pas du tout, renvoyant l’habit à une simple panoplie, clin d’oeil à la cape majestueuse de Christopher Lee. Ana Lily Amirpour préfère pour la –nième fois illustrer les correspondances entre vampirisme et drogue. L’addiction, et les seringues, l’aspiration d’un liquide vital ou l’injection d’une substance dans les veines, Ferrara et Romero l’’ont mille fois mieux traité avant elle.

A girl walks home alone at night confond lenteur et langueur et sous-entend que le noir est blanc constitue une légitimité esthétique, un gage de qualité et de goût sûr. Ici, il est juste plat, oscillant entre expressionnisme langien et pub de parfum. On aurait tellement aimé marcher avec cette fille qui rentre seule la nuit. Hélas. Le regard d’un félin et les canines de son héroïne n’y pourront définitivement rien :  A Girl Walks Home Alone at Night reste un exercice de style bien artificiel, ennuyeux et sûr de lui, qui faute de trouver ses marques, se fige dans les clichés des autres.

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A propos de Olivier ROSSIGNOT

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