Einstein, Freud, Leonard de Vinci. Cette façon de venir questionner l’actualité plusieurs siècles après leur existence est peut-être bien l’apanage des génies de l’humanité. Et ce doit être celui de Leonard de Vinci de toujours s’attirer la protection et la passion des puissants, qu’ils soient Cesar Borgia, Julien de Medicis, François 1er ou, aujourd’hui, le prince d’Arabie Saoudite. Le documentaire The lost Leonardo qui sort le 26 janvier sur nos écrans nous le rappelle à bon escient, en menant l’enquête sur ce qui est devenu la vente de la peinture la plus chère au monde, et de très loin, soit 450 millions de dollars.

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Parfaitement vrai et invraisemblable.

Passionnant documentaire du danois Andreas Koefoed, The Lost Leonardo se veut aussi film à suspense, ce qu’il est finalement dans le fond plus que dans la forme. Ouvrant par une vue plongeante sur les gratte-ciels de New York digne de la série NYPD, il nous fait vivre le voyage rocambolesque et prodigieux du Salvator Mundi au fil d’une série de rebondissements et d’intrigues parfaitement vraies, totalement invraisemblables. Il s’agirait de réécrire Le Faucon Maltais sur le même sujet, en gardant la dernière ligne du dialogue :

« De quoi est-il fait ?

— De la matière dont sont faits les rêves. »

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Suivant une narration chronologique, nous faisant passer aussi bien par l’anonymat d’un sac poubelle en plastique que par celui d’immenses bureaux vitrés donnant sur NYC ou par l’univers glacé des ports francs — ces zones portuaires où s’entassent les chefs-d’œuvre à l’abri du regard du fisc — The Lost Leonardo convoque beaucoup plus d’hommes en costume-cravate que d’artistes chevelus, de calculs cyniques que d’amour de l’art, selon une progression qui n’est autre que celle du prix du tableau, de plus en plus stratosphérique. Pendant une centaine de très courtes minutes, se décrit ici une fable universelle, celle de l’objet d’art devenant objet de pouvoir. Sauf qu’il s’agit de Leonard de Vinci et de ce tableau qui aurait été commandé en 1500 puis perdu dans la nuit profonde de quatre longs siècles.

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Mystère, brume et sfumato

Fable universelle donc ou conte de La Belle au bois dormant où l’on apprendra ce qu’est un tableau sleeper, puis un sleeper hunter, puis que le tableau en question n’est qu’un bout de bois dont seule une partie pourrait être de la main du maître et que cette partie fut recouverte de peinture avant d’être restaurée durant cinq longues années, le tout sans que pendant une seule seconde ne soit levé le mystère de son attribution. Au-dessus du chevalet de la célèbre peinture vont se pencher les plus grands spécialistes internationaux de l’œuvre de « Leonardo », l’élite des conservateurs et restaurateurs, la fine fleur mondiale des marchands d’art et des banquiers, nous faisant tour à tour passer de la conviction qu’il s’agit d’un vrai tableau du maître de la Renaissance à celle qu’il ne s’agit là que d’un mystère épais recouvert de la brume de tous les fantasmes de l’humanité.

Admirateurs et connaisseurs de l’œuvre du maître devraient suivre avec grand intérêt les échanges au sujet de la technique du sfumato et de cette imperceptible ligne entre les lèvres qui rapprocherait indubitablement le Salvator Mundi de Mona Lisa. Les autres devraient se laisser porter et transporter par le rythme de cette incroyable réalité dépassant toute fiction : comment un tableau toujours non-authentifié peut traverser les siècles et faire le tour du monde avant de se trouver de nouveau caché dans un endroit inconnu de tous. Tous en viendront à se poser la même question. Restaurer plus de 50 % d’un tableau durant cinq ans, n’est-ce pas en faire un remake ? Et tous apprendront pourquoi il vaut mieux investir dans l’art et l’abriter dans l’anonymat glacé d’un port franc plutôt que dans l’immobilier.

Né en 1979 à Copenhague, diplômé de la National Film School du Danemark et licencié en Sociologie, Andreas Koefoed est l’auteur remarqué de Ballroom Dancer, The Arms Drop et At Home In The World. Trois années lui auront été nécessaires pour réunir tous les protagonistes et tisser ce documentaire franco-danois-suédois. Et nous reposer cette éternelle question philosophique : comment l’œuvre d’art qui s’inscrit en marge de nos sociétés capitalistes se retrouve objet de ses plus grandes convoitises et spéculations ? Pourquoi est-ce précisément ce qui nous échappe qui devient objet de désir, et symbole de l’inépuisable de ce désir ?

  1. Pour en savoir plus : https://www.gazette-drouot.com/article/le-salvator-mundi-de-leonard-de-vinci-%253F–la-reponse-du-louvre/23888

FICHE TECHNIQUE

Film documentaire danois-français-suédois_Couleur_100 mn
AUTEUR(S)-RÉALISATEUR(S)

Andreas Koefoed

AUTEUR(S)

Duska ZagoracAndreas M. DalsgaardChristian Kirk MuffMark Monroe

IMAGE

Adam Jandrup

MONTAGE

Nicolás Staffolani Nørgaard 

MUSIQUE ORIGINALE

Sveinung Nygaard

PRODUCTION / DIFFUSION

Christophe JörgAndreas M. DalsgaardElk FilmPumpernickel FilmsMantaray FilmTDog Productions

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A propos de Danielle Lambert

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