Andrzej Zulawski revient. Une quinzaine d’années d’absence (son dernier film, La fidélité, est sorti en 2000) et le moins que l’on puisse, c’est qu’il revient bruyamment. La rencontre de Zulawski adaptant un roman de Gombrowicz sous la houlette de Paulo Branco, voilà qui avait, sur le papier, de quoi intriguer. Fidèle à son habitude, Zulawski horripilera certains pendant d’autres sortiront de Cosmos émerveillés.
Adapter un roman est toujours un exercice périlleux, adapter un roman de Witold Gombrowicz est un pari franchement fou. Personne ne connaît réellement l’objet du livre de Gombrowicz, mais beaucoup s’accorde à reconnaître que c’est un très beau roman. Un roman qui se construit sur des petits riens, des catastrophes élémentaires (comme dirait le mathématicien René Thom) qui engendrent, dans leurs empilements et dans leurs relations réciproques, un monde, le réel peut-être, un cosmos certainement. Zulawski se veut alors le plus fidèle possible au livre, sauf à le transposer dans une époque autre, la notre sans doute. À quelques détails près, le film est une transcription fidèle du livre au cinéma, art qui ne pourra jamais rivaliser avec la littérature, selon Zulawski lui-même. Un projet mort dans l’œuf, alors ? Pas si sûr.
Un moineau mort accroché par une petite corde, une fissure au plafond en forme de flèche, un bout de bois, une bouche déformée associée à une autre bouche attirante, une main qui glisse vers une fourchette, une théière, des petits objets pointus plantés dans diverses matières, une grenouille, un étudiant, une pension de familles, une jeune femme, un homme dont le langage est altéré et un chat qui se retrouve pendu également. Tel est le Cosmos de Gombrowicz / Zulawski. Il serait prétentieux de tenter d’en extirper un sens, un discours quelconque ou voire pire, une morale. Chacun y comprendra ce qu’il veut, chacun s’y laissera prendre (ou pas), chacun acceptera (ou non) l’émergence d’un réel sur un tas de riens.
Le ton est donné par la première scène du film. Un jeune traverse une forêt, rencontre un moineau pendu et déclame ses interrogations et ses angoisses à la face du monde. Le cinéma frénétique de Zulawski est en place, dès les premières images, et ne se calmera pas tout au long des 1h43 de crises d’hystérie d’une Sabine Azéma survoltée, de discours incompréhensibles d’un formidable Jean-François Balmer (et son fameux « Berg », mot inventé par Gombrowicz, dans lequel chacun est libre de faire rentrer une signification propre), d’une histoire d’amour compliquée entre un jeune homme tourmentée et une jeune fille déjà fiancée, le tout teinté de beaucoup d’humour. L’écriture de Gombrowicz, sensible au surréalisme, trouve ici son pendant dans des scènes parfaitement maîtrisées par Zulawski.
Personne ne restera insensible à ce Cosmos. Nous, encore moins que d’autres, car nous avons accepté de partir avec Witold dans cette expérience du monde, incompréhensible, inatteignable, mais terriblement excitante.
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