Constamment sur le fil, suivant un mouvement tendu et mû par un élan de survie instinctif et puissant, Good time avance sans faillir au gré de multiples incidents de parcours. Les frères Safdie inscrivent leur film dans un cinéma d’action primitif nourri au stress et à l’adrénaline.

Pas le temps de se reposer, il faut agir et réagir vite, trouver le moyen de s’extirper de situations impossibles, s’en sortir un temps, retomber, se relever, repartir. L’esprit aux aguets, le cerveau en ébullition, Connie, frère protecteur machiavélique, semble transcender sa nature de voyou de bas étage alors qu’un hold-up raté dans lequel il a entraîné Nick, son cadet handicapé mental, a conduit ce dernier en prison.

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Mis à part une grand-mère grecque pas vraiment aimable, le film dit peu de choses sur les personnages et joue la carte du présent dans une bataille effrénée contre le temps. S’inspirant de nombreux faits divers et construisant pour leur acteur principal une biographie circonstanciée, les scénaristes Rosh Safdie et Ronald Bronstein fournissent un riche travail préparatoire, étape décisive permettant l’écriture d’un scénario à l’imparable structure, face immergée et dynamique d’un iceberg semblant contenir toute l’histoire des bas-fonds new-yorkais.

Josh et Benny Safdie ont grandi dans le Queens, quartier profondément métissé dont les habitants se revendiquent tout en rêvant d’en partir, et choisissent d’y inscrire le récit de Good time comme ils en feraient le portrait. Profondément attaché à son frère et souhaitant lui offrir une vie meilleure, Connie envisage le hold-up comme un passeport de liberté : espoir et fatalité sociale mènent en lui la rude bataille de la survie.

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Dynamique et rythmée, portée par la cinégénie de la nuit urbaine, la mise en scène épouse la construction heurtée d’un scénario qui tire profit des multiples détails fournissant à Connie les moyens de rebondir sans cesse. À ce jeu de montagnes russes, faisant de l’instant le présent narratif et la seconde suivante l’inconnu à venir, le film surfe sur le stress communicatif de personnages pris dans la tourmente. Alors que Connie agit, Nick semble toujours chercher un espace de paix lui permettant d’échapper à un monde dont il ne maîtrise pas les règles. L’intrusion d’autres personnages, la maîtresse de Connie, l’adolescente intrépide, le gardien du parc d’attraction ou le malfrat en liberté conditionnelle, superpose les images syncopées d’anti-héros naviguant entre l’ombre et la lumière.

L’identité du film tient beaucoup à sa musique dont la présence continue traduit, développe et transforme les émotions des personnages. Musicien expérimental aux multiples influences, de l’électro au rock progressif, Daniel Lopatin compose sous le pseudonyme d’Oneohtrix Point Never une bande originale bouillonnante qui donne à Good time des allures de trip. Scénario, mise en scène et partition musicale composent alors ce que les frères Safdie appellent un « opéra de la rue » à l’esthétique à la fois violente et sensuelle, évocation artistique et contemporaine de leur quartier natal.

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De cet opéra urbain, les comédiens deviennent les solistes d’une partition de chair, de sueur et de sang. Incarnant cet habitant emblématique du Queens, porte-drapeau des anonymes qui se débattent et tentent de s’en sortir, l’anglais Robert Pattinson transcende son personnage et permet à Connie de briller dans la nuit cinématographique d’un film qui mêle action et burlesque dans une même course. Tout aussi impressionnant, Benny Safdie permet à Nick d’avancer et de s’affranchir de la tutelle fraternelle. Les compositions de Jennifer Jason Leigh (dans une apparition courte mais marquante), de Barkhad Abdi ou de Buddy Duress (déjà présent dans Mad love in New-York) mènent le film au-delà d’une simple démonstration formelle.

Et puisque le cinéma se compose d’images, les sublimes plans filmés d’un drone, le regard halluciné de Pattinson en toute fin, les chutes de Buddy Duress, d’autres encore, imprimeront à jamais les rétines de ceux qui se laisseront emporter.

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