Après Les adieux à la reine et la catastrophique adaptation d’Octave Mirbeau, Le journal d’une femme de chambre, Benoît Jacquot poursuit son exploration du film en costumes, un genre en soi,  avec son nouvel opus Dernier amour, librement inspiré d’un épisode des mémoires de Giacomo Casanova. Et pour tout dire, pas le plus affriolant.

Au XVIIIe siècle, Casanova, célébré pour son appétence envers le plaisir et le jeu, débarque à Londres, ville qui lui est parfaitement inconnu et dont il ne maitrise pas le moins du monde la langue de Shakespeare. Heureusement pour lui à notre grand étonnement, tous les anglais, de l’aristo au pauvre paysan, s’expriment dans un français assuré, voir même limpide… Ce qui d’emblée ne paraît pas très crédible voire totalement anachronique sinon ridicule avec le ton sentencieux proféré par un film visiblement soucieux d’un certain vérisme historique. Ce n’est peut-être qu’un détail qui en dit long sur l’échec artistique du film. Casanova fait la rencontre à plusieurs reprises d’une jeune courtisane, la Charpillon, pour qui il ressent une attirance compulsive, immédiate. Il est prêt à tout pour arriver à ses fins mais la Charpillon se dérobe toujours sous les prétextes les plus divers.

Dernier amour : Photo Vincent Lindon

Le coureur de jupons, plus célèbre pour défrayer la chronique dans les cercles mondains que pour ces écrits ayant acquit une notoriété avec le temps, tombe amoureux de cette ravissante catin, protégée par sa mère maquerelle, ce qui ajoute un peu de piment à un film qui en manque beaucoup. Elle lui lance un défi: elle veut qu’il l’aime autant qu’il la désire, en prononçant une sorte vœu de chasteté durant les 15 premiers jours de leurs fiançailles.

Loin du trublion libidineux, fantasque et désespéré du Federico Fellini ou encore du jeune Dom Juan impétueux de Luigi Comencini, le Casanova de Benoit Jacquot prend les traits d’un homme mur, austère, droit de ses bottes, affichant une mine de dépressif chronique, n’esquissant pas le moindre sourire de la première à la dernière bobine. Un rôle idéal pour Vincent Lindon, qui troque ses vêtements usés de syndicaliste enragé pour les accoutrements aristocratiques du XVIIIe. Bonne nouvelle: le comédien fétiche de Benoit Jacquot articule correctement des dialogues parfaitement audibles, une fois n’est pas coutume. Moins bonne nouvelle: il ne porte pas très bien le costume, ayant l’air parfois engoncé, comme gêné par des vêtements desservant son animalité coutumière. Face à lui, en belle plante un peu pâlotte, Stacy Martin affiche le minimal syndical d’expressions. Le peu de charisme des comédiens laisse à distance le spectateur. il s’agit même du couple le moins sexy vu sur un écran depuis très longtemps. En résulte, un drame historique suranné et répétitif, dénué de sensualité et d’émotion, sec comme un coup de trique. Le scénario prévisible manque singulièrement de jeu et de perversité dans ce marivaudage pseudo tragique.

Dernier amour : Photo Stacy Martin

L’éternelle rengaine de la courtisane se refusant à un homme à femmes n’a rien de nouveau ni d’excitant. Benoît Jacquot est bien trop sérieux pour le lâcher prise, pour laisser éclater la part romanesque induite par le sujet.

Il n’est finalement intéressé que par le point de vue d’un séducteur honnête, lassé de ses conquêtes frivoles, qui souffre d’un amour qui le dépasse. Plus sournois, en présentant les femmes sous un angle négatif, étant soient calculatrices, écervelées ou manipulatrices, Benoît Jacquot se vautre dans la misogynie la plus hypocrite, derrière l’esthétique bon teint d’un drame bourgeois soigneusement confectionné. Les somptueux décors et les images splendides éclairés à la bougie, au service de cadrages savamment composés, ne peuvent faire oublier la morosité repoussante de ce portrait complaisant d’un homme un peu trop présenté comme une victime.

En résulte, une œuvre désincarnée et mortifère, figée par une construction narrative maladroite articulant passé et présent.

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A propos de Emmanuel Le Gagne

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