En dressant le portrait d’une génération fauchée et inventive, adepte du D.I.Y (Do It Yourself), sa jeune (et prometteuse) réalisatrice en épouse l’énergie foutraque, avec une générosité et une détermination contagieuses.
Blank City est presque un « feelgood » documentary par le message d’urgence qu’il fait passer et l’émulation du vivier créatif de l’époque, grosso modo 1979-1985. Céline Danhier, française, installée depuis sept ans à New York, s’avoue fascinée par la ville. Elle a découvert le mouvement no wave new yorkais, à la faveur d’une projection d’un film d’Amos Poe et d’Eric Mitchell. Quelques valeurs sûres du cinéma indépendant ont émergé de ce mouvement, tels Steve Buscemi, Jim Jarmush… Ce film puzzle, s’inspire de la bible musicale des années punk Please kill me, constituée d’entretiens de musiciens de la « préhistoire » 60s à début 80. Le relai de points de vue des personnes interviewées conférait un aspect très cinématographique à l’ouvrage de Legs Mc Neil. Ici, on rebondit d’un témoignage à des extraits de films, des images d’archives du New York du siècle dernier. Une quarantaine de réalisateurs et musiciens new-yorkais se relaient devant la caméra de la jeune Danhier, revendiquant une forme d’amateurisme éclairé, comme le résume si justement John Lurie : « Personne ne faisait ce à quoi il était bon. La technique était haïe. Les musiciens faisaient de la peinture, les peintres faisaient de la musique et des films…”.Ainsi, on a la joie de (re)découvrir le groupe Del Byzanteens créé par un tout jeune cinéaste, Jim Jarmush dont il assurait le clavier et le chant, d’entendre Lydia Lunch, Debbie Harry, Thurston Moore, James Chance… figures de proue de la scène musicale underground 80. C’est l’occasion de voir des extraits de films rarissimes, faits par ces outsiders prolixes, tous regroupés downtown dans la partie la plus dangereuse de la ville, qu’un d’eux compare au Far West. L’ainé et mentor John Waters, y va de son commentaire enthousiaste. Jamais de passéisme, mais plutôt un hommage tonique et joyeux à une époque révolue.Au-delà des témoignages de ces magnifiques oubliés, le beau documentaire de Danhier revisite, sur un versant plus sociologique, la ville-Babylone où tout était possible jusqu’à –entre autres- l’arrivée d’un certain Ronald Reagan.
Qu’est-ce-que l’esprit No Wave ? « Il se définit par ce qu’il n’est pas. Qu’est-ce qu’il est ? Je n’en sais foutre rien »dixit Lydia Lunch, leader du groupe Teenage Jesus, actrice pour Richard Kern, Beth B, Nick Zedd, Amos Poe… Il se définit aussi par l’instantanéité, l’ici et maintenant.
Blank City en est une traduction fidèle et passionnée. Une seule façon d’avoir une idée de ce que fut ce bouillonnement artistique où comme le dit James Nare « Si tu n’avais pas de pellicule, tu la volais ! »- allez voir le film galvanisant, brut et habité, comme ces protagonistes, qui, armés d’une caméra super-8 et d’un indéniable sens de la démerde, filmaient le New York des marginaux, des clodos, des stars locales, avec une arrogance superbe. Avec la fougue de sa jeunesse et son penchant pour ce cinéma transgressif, Céline Danhier retranscrit avec énergie et intelligence cette époque pluri-disciplinaire où musique et films s’entrechoquaient de façon kaléidoscopique et stimulante. Peu importe leur pérennité ou non, ce qui prime c’est l’acte d’engagement total et d’insubordination que la no wave représenta à l’époque. Une relecture destroy et nihiliste de la nouvelle vague française.
En 2007, une autre réalisatrice française, Angélique Bosio avait consacré un beau docu sur la no wave : Llick you Idols (chroniqué ici même)
Voir également sur Richard Kern : Harcore extended / Extra Action
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