Il n’y a qu’à regarder les films d’Anthony Mann, William Friedkin ou même Michael Mann pour se persuader de l’importance de l’architecture au cinéma. Pour ces cinéastes, parmi d’autres, l’architecture est un personnage à part entière, qui apporte au propos du film, crée une ambiance et donne la tonalité d’une scène voire de l’oeuvre dans son ensemble.Dans Le rebelle de King Vidor, l’architecture est un art novateur qui permet à son créateur d’exprimer une vision du monde en but à un conformisme relayé par un critique aux idées étriquées. Les bâtisses de Norman Foster pourraient s’inscrire dans cette logique tellement il recherche l’originalité en alliant défi esthétique, gigantisme et confort de l’usagé. Le documentaire de Norberto López et Carlos Carcas s’évertue à dresser, à travers son parcours et le témoignage d’amis et de collaborateurs, le portrait d’un homme hors du commun, parti de rien pour ensuite imprimer de sa marque plusieurs pays du monde.
Tout en adoptant une forme classique, le documentaire arrive à faire partager la force de caractère de Norman Foster, celle d’un homme qui avance, sans arrêt, face à de nouveaux défis. Celle d’un artiste aux ambitions démesurées, mais qui arrive cependant à garder une certaine humilité. Sa première apparition à l’image est celle d’un skieur de fond filmé seul, en opposition aux plans sur une longue file de sportifs qui dessinent un serpent multicolore sur la neige. Par la suite, c’est chez lui qu’il est présenté, au balcon d’une maison en hauteur à flan de colline, comme s’il dominait la vallée. Ainsi se succèdent les plans dans son bureau, de mystérieux inserts sur certaines de ses constructions comme pour souligner la complexité du personnage… Une série d’images qui posent les fondations du film et représentent les différentes facettes de l’architecte. Pour le définir, le cerner et évoquer son histoire personnelle, les réalisateurs ont parfois recours aux décors pour illustrer les propos et le parcours de Norman Foster. Comme l’histoire de ce pont qu’il voyait de sa fenêtre, ouverture vers un avenir riche de perspectives.Et quand la caméra dévoile l’ensemble des structures filmées par petits bouts, la mise en scène s’envole autour des différentes réalisations de l’architecte : de l’Hôtel de ville au Swiss Re Headquarters de Londres en passant par le Millenium Bridge ou le Viaduc de Millau, elle sait rendre une impression de vertige. Une démesure qui, pourtant, ne fait pas peur à Norman Foster, toujours prêt à accepter tous les défis. Le film retrace sa façon de travailler, de penser une architecture humaine qui allie modernité et histoire, une architecture qui épouse la culture du pays où il s’implante. Dans cette énumération d’ouvrages et de projets, la réalisation finit d’ailleurs par s’enliser dans un certain académisme avec un montage qui enchaîne les plans fixes, illustratifs. Cela est d’autant plus dommage que le parcours de Norman Foster, malgré ce défaut, s’avère passionnant de bout en bout.
How much does your building weigh, Mr. Foster ? est aussi un film sur l’art, sur la façon qu’il a de s’adapter aux contraintes du milieu où il s’implante. Toujours en quête de défis, Norman Foster recherche l’innovation, la façon de fondre les préoccupations actuelles dans de nouvelles constructions toujours plus ambitieuses et révolutionnaires. Le film de Norberto López et Carlos Carcas, en mettant en avant le destin exceptionnel de Norman Foster, montre également à quel point l’art influe sur la vie de tous les jours, à quel point il est essentiel pour l’Homme de penser son environnement tout en le respectant. En terminant le documentaire sur l’élaboration du projet le plus fou de son créateur, les réalisateurs soulignent que l’architecture est aussi un art de bien vivre.
How much does your building weigh, Mr. Foster ?
(Royaume-Uni/Espagne – 2010 – 78mn)
Réalisation : Norberto López & Carlos Carcas
Scénario et voix off : Deyan Sudjic
Directeur de la photographie : Valentín Álvarez
Montage : Paco Cozar
Musique : Joan Valent
Avec la participation de : Norman Foster, Tony Hunt, George Weidenfeld, Richard Rogers, Bono, Deyan Sudjic, Paul Goldberger…
Sortie en salles, le 16 mai.
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