Venue du clip et déjà lauréate d’un grand nombre de prix pour ses courts-métrages créatifs et engagés, Charlotte Regan signe avec Scrapper son premier long-métrage.
Suite à la mort de sa mère, Georgie, 12 ans, vit seule de petits larcins tout en faisant croire à des travailleurs sociaux peu regardants qu’un tuteur veille sur elle. Le quotidien de la petite fille est cependant bouleversé par l’arrivée de son (très) jeune père, qu’elle ne connaît pas et voit d’emblée comme une nuisance, alors que ce dernier tente, tant bien que mal, de se racheter auprès d’elle. Commence alors une improbable cohabitation entre un père et une fille forcés d’apprendre à se connaître et surmonter ensemble leur deuil.
Oscillant entre conte philosophique et réalisme social, Scrapper opère à tous les niveaux un savant mélange de fantaisie et de sobriété ; le film fait ainsi le choix de situer son action dans la banlieue bétonnée et grisâtre de Londres, mais au sein de laquelle Georgie réside dans une rue aux pavillons multicolores. Le film s’ouvre également à la manière d’une fable, la petite fille y apparaissant aussi débrouillarde que Fifi Brindacier, supérieurement intelligente et vivant quasiment en autarcie (on la voit notamment voler des vélos pour subvenir à ses besoins, éviter l’école et ses contemporains – à l’exception de son meilleur ami – et berner les services sociaux par le biais d’une technique directement issue du cartoon), à mi-chemin entre Alexandre le Bienheureux et les livres de Roald Dahl.
Ce parti-pris permet non seulement à Charlotte Regan de cultiver la dimension sociale de son propos mais aussi et surtout de planter sans lourdeur ni pathos un décor que la suite du film va faire voler en éclats.
Le petit monde étonnamment fonctionnel – en apparence – de Georgie cache en effet, au même titre que son tempérament de feu, les personnages caricaturaux qui l’entourent (mais ne la comprennent pas) ou encore sa maison à la façade pastel et à la décoration restée inchangée depuis le décès de sa mère, un vide et une douleur que l’arrivée de son père va mettre au jour, l’obligeant à accepter que la solitude dans laquelle elle s’est enfermée n’est pas une solution et que la seule façon de vaincre son mal est d’accepter de s’ouvrir à nouveau aux autres.
Scrapper brosse ainsi le double-portrait, extrêmement sensible et parfois même douloureux, de ces personnages marginaux et défavorisés, que des circonstances tragiques forcent à grandir et à s’apprivoiser mutuellement – aidés comme handicapés en cela par la multitude de points communs qu’ils se découvrent alors – offrant à l’un une nouvelle chance de remplir son rôle de père et à l’autre la possibilité de se reconstruire, au terme d’un parcours semé d’embûches mais conduisant à l’harmonie et au renouveau (selon leurs propres règles) de la cellule familiale qui leur manquait.
Un premier film ambitieux et poétique doublé d’un savoureux commentaire social.
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