Pour qui ne connaît pas très bien l’histoire politique de l’Afrique, ce qui est mon cas je le confesse, le nom de Thomas Sankara évoque tout de même la figure d’un président africain bien singulier et fort charismatique. Et c’est bien cette image que l’on retrouve dans le documentaire de Christophe Cupelin. Mais sans doute un peu trop. Retracer un tel destin à travers un documentaire uniquement constitué d’archives n’est pas une chose évidente. Réaliser un documentaire objectif, tout simplement, n’est pas une chose facile. Et, après vu Capitaine Thomas Sankara, force est de reconnaître que Christophe Cupelin n’a visiblement pas réussi à mettre un peu de distance entre lui et son sujet.
Un documentaire, comme tout objet cinématographique, est avant question de forme. Capitaine Thomas Sankara ne cherche pas à nous raconter l’histoire de ce président de la Haute-Volta, devenue sous son règne le Burkina Faso, à la fois féministe, écologiste avant l’heure, profondément révolutionnaire et tribun hors pair (notamment lors de son discours à la tribune de l’ONU afin de demander l’annulation de la dette africaine). Non, Christophe Cupelin réalise plutôt un collage d’archives, plutôt réussi au demeurant, vantant les mérites de son héros. En étant un peu provocateur, Capitaine Thomas Sankara pourrait être vu comme un film de propagande.
Il ne faut tout de même pas bouder son plaisir car ce documentaire est riche de découvertes autour la figure aujourd’hui mythique de Thomas Sankara. On y découvre son parcours jusqu’à son accession au pouvoir en 1983, ses liens d’amitié avec Blaise Compaoré (futur président du Burkina après l’assassinat de Sankara en 1987, sans doute commandité par Compaoré lui-même), les lancements de ses différentes campagnes pour la promotion de la femme, pour l’alphabétisation en langues nationales ou encore pour la construction de logements s’appuyant sur une suppression des loyers pour l’année 1985. Ce documentaire nous fait également (re)découvrir les rencontres savoureuses entre Sankara et Mitterand et le lien étroit qu’entretenait Sankara avec la musique (la bande son, avec The Ex et Fela Kuti est d’ailleurs tout à fait impressionnante). Mais, on s’étonne que Christophe Cupelin ait décidé de passer particulièrement vite sur les « erreurs » que Sankara évoque lui-même à la fin du documentaire ou sur la tenue des tribunaux populaires qui, à croire d’autres témoignages, ne furent pas la plus réussite du régime de Sankara.
Égratigner la figure du héros, aller regarder de plus près dans les zones d’ombres, n’auraient sans doute pas terni la légende ni diminuer l’influence que Sankara peut avoir encore aujourd’hui. Cela aurait permis de donner un peu d’aspérités à un documentaire qui, à force de vouloir célébrer un homme, finit par le rendre terne et un peu lisse.
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