Après Mala Junta en 2016 et la co-réalisation de la série 42 Days in the Dark en 2021, la réalisatrice chilienne Claudia Huaiquimilla revient avec le drame social Mis Hermanos.
Au Chili, de nos jours, Angel et son jeune frère Franco purgent leur peine dans un centre de détention pour mineurs. S’entendant bien avec leurs codétenus, ils rêvent ensemble de liberté jusqu’au jour où Jaim, un jeune délinquant charismatique récemment transféré dans leur bloc, promet de les aider à s’évader.
Inspiré d’un fait-divers survenu en 2007 et réalisé dans une optique ouvertement politique, doublée d’une empathie évidente à l’égard de ses protagonistes (et de leurs homologues réels) Mis Hermanos plonge son spectateur dans un univers oppressant – dont il ne sortira qu’à l’occasion de courts flashbacks ou de scènes oniriques – et le conduit à partager avec ses (très) jeunes personnages principaux un quotidien fait de sentiment de solitude et d’abandon – la plupart d’entre eux ignorant combien de temps vont durer leurs peines respectives – de détresse émotionnelle, de perte de repères – renforcée par des anxiolytiques censés réduire le stress de l’enfermement – mais aussi de rêverie quasi-permanente, le rêve s’avérant être le seul moyen pour eux de songer à des jours meilleurs et ainsi supporter leur condition…
Rendant compte, de façon quasi-documentaire, des conditions aliénantes dans lesquelles ces adolescents et pré-adolescents – souvent issus de familles défavorisées – sont détenus dans des centres souvent insalubres, tenus par des fonctionnaires bien intentionnés mais totalement démunis par la faute d’un système public de détention des mineurs absolument défaillant – ce problème se posant au Chili dans des proportions titanesques – Mis Hermanos est également une réussite dramaturgique, parvenant sur un temps très court (85 minutes) à construire une narration complexe et distiller un véritable suspense à mesure que son récit, initialement poétique et attendrissant, tourne, sous les yeux impuissants du spectateur, à la tragédie pure…
Délaissant progressivement tout optimisme, à mesure que ses personnages, las de se sentir ignorés par un système pourtant chargé d’assurer leur protection et leur réinsertion – et désespérant de jamais retrouver leur liberté – sombrent dans le désespoir et la haine les plus destructeurs, le film embrasse alors pleinement sa dimension politique, faisant de ses héros les représentants d’une jeunesse défavorisée (et par extension, d’une société entière) cédant, faute d’horizon et d’aide gouvernementale – et sous la mauvaise influence du premier leader venu – aux sirènes de la violence.
Authentique pamphlet à charge contre le système chilien de détention des mineurs (dont il prend la peine de rappeler que les défaillances ont coûté la vie à plus de 1700 jeunes, tous morts en détention entre 2005 et 2020) et véritable mise en garde contre les dangers de l’inaction gouvernementale et du populisme, Mis Hermanos s’impose ainsi comme un drame social fort et brillamment exécuté. Viscéral et percutant.
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