Le titre du film, Bixa Travesty, traduit par «trav-tapette» (mais aussi «trav-pédé»), extrait d’une chanson de Linn da Quebrada, donne la tonalité d’une artiste qui se réapproprie les insultes homophobes et transphobes pour les faire siennes, les confisquant ainsi, leur retirant leur venin pour les associer à sa fierté et son identité. Se présentant comme femme cis* alors que son corps semble objectivement masculin, elle bouscule les codes normés dans une démarche provocante revendiquée.

Associée dès la préparation du documentaire de Claudia Priscilla et Kiko Goifman, Linn, artiste de rap, le transforme en autoportrait militant au cœur la scène queer brésilienne et la réalité sociale d’un pays en passe de basculer vers l’extrême-droite. Ses textes, ses mises en scène, la nudité de son corps, s’inscrivent dans une démarche artistique globale dans laquelle l’intime et la création ne font plus qu’un.


© Arizona Distribution

Ici le corps devient sujet d’étude et objet de lutte, sa représentation comme sa plastique venant interpeller les questions de genre. Se transformant ou pas, s’exposant sans fard, il fournit à Linn la matière d’une constante quête identitaire. Puisant dans ses archives personnelles, fournissant aux cinéastes d’incroyables images de la période où, abreuvée de chimiothérapie, elle luttait contre un cancer des testicules, elle s’interroge sur ce corps alors aux mains des médecins : nue et imberbe, elle mime de singulières performances devant la caméra d’une amie, se réappropriant ainsi son moi confisqué.

S’exprimant sur scène comme à la radio, auprès de sa mère ou de ses ami.es (et notamment l’artiste Jup do Bairro), Linn da Quebrada affirme la nécessité de s’aimer soi-même pour faire face à l’adversité. Si le discours ne semble pas nouveau, la méthode s’impose et explique le succès désormais rencontré par l’artiste. La caméra de Claudia Priscilla et Kiko Goifman, impliquée mais respectueuse dans sa complicité, capte au plus près la nature profondément positive de son modèle. Les textes de Linn parlent de sexe, de domination masculine et de féminité pour mieux lutter contre les clichés. Revendiquant la nécessité d’être efféminé, elle provoque frontalement les tabous, y compris homosexuels.


© Arizona Distribution

Ainsi, bien au-delà du portrait d’une personne à la marge, qu’elle soit perçue comme transgenre, homosexuelle ou travestie, Bixa Travesty développe une analyse sur l’art engagé et revient aux sources de la performance : confronter son corps au monde, le transformer en vecteur de questionnements liés à sa nature même, susciter des réactions. Active et déterminée, farouche et insolente, Linn da Quebrada rayonne d’un feu intérieur communicatif.

 

* Cis pour cisgenre : le cisgenre est un type d’identité de genre où le genre ressenti d’une personne correspond à son sexe biologique, assigné à sa naissance. Le mot est construit par opposition à celui de transgenre, pour une personne qui s’identifie à un autre genre que celui de son sexe biologique et assigné à sa naissance.

 

 

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