Feel good movie singulier, Ali et Ava narre la rencontre entre Ali, pakistanais issu d’un milieu aisé et Ava, mère de famille ayant des difficultés à joindre les deux bouts. Ils font la connaissance à l’école, en raison de l’affection qu’ils portent tous deux envers Sofia, la fille de locataires slovaques dont Ava est l’assistante sociale. Tout de suite, en dépit de leur différence, le courant passe. Lui est un homme cultivé, plein d’humour et travaillé de l’intérieur. Il aime, la nuit venant, danser sur les capots des voitures en écoutant de l’électro. Moins tourmentée, Ava incarne les valeurs du prolétariat. Elle attire Ali par sa générosité, son humanité et sa douceur, caractère en adéquation avec la musique qu’elle affectionne, le folk et plus ringard encore aux yeux d’autrui la country. Une de leur première discussion tourne autour de leurs goûts musicaux aux antipodes lors d’un échange très drôle, teinté de moquerie et de bienveillance mêlées.
Un lien profond les attire malgré leurs différences. Ce qui les unit, la solitude sans nul doute. Mais ce serait réducteur de les enfermer dans ce prisme trop évident. Ils tombent amoureux l’un de l’autre mais le passé douloureux pour Ava et la situation complexe de Ali ternissent leur idylle qui a pourtant tout pour s’épanouir. Des freins qu’ils vont essayer de surmonter. Le suspense ténu, dénué d’une forte dramaturgie sur les tenants et aboutissants de cette love story, s’avère rapidement balayé par le ton résolument optimiste qui fait de la gentillesse de ses héros le moteur du long métrage. La réalisatrice Clio Barnard saisit au plus près la ténacité des doux combattants, des amoureux de la vie qui ne cessent de se battre pour être heureux en dépit de blessures anciennes et d’obstacles présents.
Cet optimisme se traduit également par la vision positive de Bradford, généralement dépeinte comme une ville post-industrielle déprimante où règne la pauvreté. Or, nul misérabilisme innerve cette romance sociale où la réalisatrice du Géant égoïste s’attarde sur les liens que les individus tissent entre eux, sur l’importance de la solidarité familiale, de l’entraide. Elle résiste à la tentation, dans l’air du temps, de dresser un état des lieux funeste quitte à flirter avec une vision idéalisée de cette petite bourgade anglaise. Mais, avec intelligence et tact, elle n’élude pas les problèmes comme la notion d’identité et de race, la difficulté d’élever seule des enfants dans un lieu où le travail se rarifie, la question toujours d’actualité des rapports de classes. Clio Barnard préfère s’attarder sur son histoire d’amour qui ouvre un champ des possibles pour deux âmes en peine.
Le titre n’est pas sans rappeler le chef-d’œuvre de Rainer Werner Fassbinder, Tout le monde s’appelle Ali, ce qui n’est évidemment pas le fruit du hasard. Dans les deux cas, il s’agit d’une rencontre, de la naissance d’un désir profond entre deux êtres que le hasard a réuni. Ali et Ava en serait la version allégée, délestée de la dimension mélodramatique et fataliste, voir politique. Très vite pour le spectateur, il apparait naturel que Ali et Ava se trouvent bien et peuvent avancer ensemble. Les qualités habituelles du cinéma anglais sont au-rendez-vous à savoir une écriture fine, une manière de croquer des silhouettes crédibles jusqu’au moindre figurant, et dans la continuité, une direction d’acteurs exceptionnelle. Claire Rusgbrok, déjà aperçue dans Secrets et mensonges de Mike Leigh et Adil Akhtar composent des personnages attachants. Surtout, ils parviennent à créer une réelle complicité, une alchimie à un récit finalement convenu de comédie romantique moderne. Les plus grincheux reprocheront une mise en scène fonctionnelle, embrassant les codes du naturalisme. Elle n’a rien d’exceptionnelle mais au moins elle est juste, en accord avec le sujet, toujours au plus près des comédiens. Chloé Barnard filme très bien les visages, sans aucune artificialité, et la ville de nuit bénéficiant d’une belle photographie.
Modeste, charmant et tonique, Ali et Ava est un joli film revigorant, un hymne joyeux à tous ces anonymes que l’on rencontre dans la vie mais finalement peu (sous cet angle) au cinéma. Et puis un film où l’on entend Dirty old town des Pogues ne peut que faire plaisir.
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