Tout y est, le sucre glace, les décors en carton-pâte, les yeux écarquillés d’Emma Stone, les claquettes de Ryan Gosling, le bleu-jaune-rouge des cylindrées décapotables et celui des robes virevoltantes des starlettes, des mélodies entêtantes, et un final digne de Woody Allen grand cru. La La Land est une véritable réussite du genre, entre Walt Disney, Minelli et Demy, le film hommage de Damien Chazelle aux plus grandes comédies musicales hollywoodiennes allie un dosage parfait entre le sucre d’orge, la barbe à papa et le popcorn, avec élégance, panache et sobriété.
Que le genre de la comédie musicale était risqué après l’immense succès du film indie de Whiplash ! Musicien lui-même, Damien Chazelle a porté la gestation du projet plusieurs années, bien avant la réalisation de son premier long métrage. Si l’on reconnaît une manière de filmer avec des plans séquences qui s’enchaînent, un montage ultra dynamique et une vision très personnelle – parfois un peu narcissique- de l’artiste, le « style » Chazelle s’estompe ici pour mieux servir le genre, ses codes, ses thématiques en étant, à raison, ultra référencé. La La Land vient s’inscrire dès le premier plan, et avant même dans sa promotion tonitruante, dans la grande histoire des comédies musicales outre atlantique et de ce côté-ci en France avec une scène d’ouverture hommage aux Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy.
Du monstrueux embouteillage sur l’autoroute qui mène à Los Angeles surgissent de leurs voitures ceux qui voyagent de ville en ville pour se rendre à Hollywood, Mia (Emma Stone) qui sert des cafés entre deux auditions et Sebastian (Ryan Gosling), passionné de jazz, qui joue du piano dans des clubs désaffectés pour assurer sa subsistance.
Scénario d’une simplicité conforme aux codes – l’artiste en proie à sa reconnaissance et à l’épanouissement de ses idéaux – mais une mise en scène brillante et féérique, et deux acteurs très incarnés pour le rôle. Dans les mimiques d’Emma Stone c’est Leslie Caron qui sourit, et dans l’élégance frenchie de Ryan Gosling c’est le souvenir de la démarche nonchalante d’un américain à Paris qui refait surface pour quelques instants. Quelques numéros de claquette, une envolée dans le ciel étoilé de Paris – Midnight in Paris n’est pas très loin – une séance cinéma qui promet de devenir culte et redonne vie à Rebel without a cause, Chazelle ne plagie pas, ne dépasse pas mais s’inscrit dans une lignée de cinéma où évidemment la musique demeure le personnage principal, celui dont on continue à l’issue de la projection à fredonner quelques mélopées, entraînantes et entêtantes comme des ritournelles, La La La La La …Land.
La la Land ne serait qu’un brillant exercice de style si le film n’était parcouru tout du long d’un parfum de nostalgie aux effluves de délicieuse guimauve – et qu’il est difficile de trouver encore de bonnes guimauves à saliver ! – dont la saveur se déploie totalement dans la dernière partie du film. Certes on peut regretter que la danse soit quelque peu absente et les numéros de claquettes un peu trop chétifs, trouver que les dialogues manquent d’imagination ou de cocasserie au regard de ceux d’un Jacques Demy, il n’en reste pas moins que le final très habile et aussi mélancolique que les Parapluies de Cherbourg ou Café Society, parvient à se faufiler entre les deux, à s’en extraire comme – repu de tant de ripailles de couleurs et musiques pétantes – on se surprenne à s’éclipser de ce La La Land chic et choc mais pas toc pour déguster une tasse de thé et une madeleine de Proust… avant d’y revenir !
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Midnight in Paris? Everyone says I love you.