Après The Shepherds (2017) le documentariste taïwanais Elvis A-Liang Lu signe A Holy Family, un deuxième long-métrage familial et introspectif.
Filmant ses parents et son frère qu’il n’a pas vus depuis plus de vingt ans, A-Liang sonde leur quotidien, leurs croyances (ses parents croient aux divinités Taoïstes et aux dons médiumniques de son frère) mais aussi les non-dits entre eux, ainsi que ses propres traumatismes…
Récit chronique filmé sur trois ans, plongeant le spectateur entre ses quatre protagonistes, A Holy Family se distingue avant tout par la clarté du point de vue – celui de son auteur – qu’il traduit, mais aussi et surtout par l’évolution de celui-ci. À ce titre, le film frappe d’abord par la distance plus qu’évidente entre Elvis A-Liang Lu et sa famille, avec laquelle il estime ne rien partager : contrairement à lui, ses parents sont profondément religieux et consultent systématiquement leurs divinités avant de prendre une décision, ce qui ne serait sans doute pas très grave si (pour le plus grand malheur de tous) le père d’A-Liang, joueur invétéré, ne dilapidait pas depuis 40 ans l’argent du foyer en s’accrochant à l’espoir que les dieux se décident un jour à le faire gagner au loto… Le rapport de sa famille à la spiritualité se trouve également influencé par le fait que son frère, agriculteur malchanceux, est persuadé, depuis l’âge de douze ans, de pouvoir communiquer avec ces mêmes dieux, ce qui lui vaut d’être régulièrement consulté par un voisinage en quête de prédictions.
Décidé, selon ses dires, à reprendre contact avec sa famille suite à une conversation avec sa mère (où celle-ci semblait considérer sa mort comme imminente) Elvis A-Liang Lu procède avec ce long-métrage à l’exorcisme de tous ses démons, confrontant son frère et ses parents à l’absurdité qu’il trouve à leur mode de vie, à tous les traumatismes qu’il leur reproche de lui avoir causés et essayant de les amener à livrer, eux aussi, le fond de leur pensée…
Bien que ces conflits demeurent centraux, la véritable force du film tient davantage à l’évolution, progressive mais visible à l’oeil nu, de l’attitude des membres de cette famille les uns envers les autres. Jour après jour, de confidence en confidence mais aussi par la force des choses (maladie et déconvenues de toutes sortes venant s’inviter dans l’équation) le spectateur peut voir le vernis se fissurer lentement, révélant, sous la dureté de façade, les regrets, les remords, mais surtout l’amour entre ces quatre individus. Prenant peu à peu conscience que malgré leurs désaccords, sa famille l’aime (et inversement) Elvis A-Liang Lu voit ainsi son regard et celui de son film changer, transformant la chronique froide qu’il semblait être parti pour tourner en un splendide portrait réconciliateur…
Chronique intime de la réconciliation d’un cinéaste avec son frère et ses parents, A Holy Family brille par sa retranscription du point de vue de son réalisateur, commençant dans l’amertume et l’austérité pour s’achever sur une vibrante déclaration d’amour d’un homme à sa famille.
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