Producteur et réalisateur spécialisé dans le documentaire, Eric Lebel signe aujourd’hui le long-métrage À l’ombre de l’abbaye de Clairvaux.
Fondée au XIIème siècle, l’abbaye de Clairvaux devint une prison durant la Révolution Française. Partant à la rencontre de détenus, mais aussi de moines de l’abbaye de Cîteaux – ces derniers vivant selon les mêmes règles que ceux de Clairvaux en leur temps – Eric Lebel conte l’histoire de ces hommes, mais aussi celle du pénitencier (fermé depuis).
Articulé autour d’une série d’entretiens mettant notamment en lumière deux détenus, Michel (70 ans) et Pierrejean (30 ans) ainsi que les moines Frère Pierre-André et Frère Benoît, le film met avant tout l’accent sur le rapport de ses protagonistes à l’idée de liberté et à celle d’enfermement, les principaux intéressés insistant eux-mêmes sur le caractère subjectif de ces deux concepts. On apprend notamment que si Pierrejean confesse vivre assez mal son emprisonnement et attendre avec impatience sa libération, Michel – devenu bouddhiste durant sa détention – se trouve à l’inverse très heureux d’être cloîtré et dit rêver d’un véritable monastère où poursuivre ce mode de vie dès la fin de sa peine… De façon similaire, les moines interrogés mettent en avant combien un isolement choisi tel que le leur (et ce malgré toutes les contraintes qu’il implique) peut procurer un sentiment de liberté et de plénitude supérieur à celui qu’offre la vie en société…
Portant autant sur cette définition paradoxale de la liberté que sur le potentiel (et donc les limites) du système carcéral, le film se penche aussi sur l’histoire de Clairvaux en tant que monastère mais surtout en tant que prison. L’une des séquences les plus marquantes du film tient ainsi au témoignage d’un ancien gardien guidant caméra et spectateurs à travers d’anciens locaux de la prison, aujourd’hui en ruines mais où subsistent des vestiges – à commencer par les cages étroites et insalubres qui y tenaient lieu de cellules – attestant des conditions de détention inhumaines ayant eu cours à Clairvaux jusque dans les années 1970.
Soulignant les points communs entre vie monacale et vie carcérale afin de mieux figurer le rapport entre liberté individuelle et choix personnel, Éric Lebel parachève enfin son plaidoyer par une évocation des prisonniers célèbres passés par cet établissement, parmi lesquels Claude Gueux qui inspira à Victor Hugo le roman éponyme, largement engagé contre les conditions de détention dans les prisons françaises de son époque.
Spirituel et d’une grande sincérité, À l’ombre de l’abbaye de Clairvaux offre une réflexion intéressante sur la réclusion choisie ou imposée, mais aussi sur les notions de liberté, de quête spirituelle et d’ermitage dans le monde contemporain…
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