Disons le tout net, sans pincettes et sans gants, Bang Gang est un très joli film. Et disons le tout net également, Bang Gang n’est pas un film porno sans porno, une bleuette qui lorgnerait vers le porno pour se donner un genre, pour faire comme si, pour frôler les lignes de la transgression, pour se donner le frisson de l’interdit sans avoir l’air d’y toucher, bref, Bang Gang n’est pas le film dans-l‘air-du-temps, surfant sur la vague du réalisme au cinéma, porno compris, esthétisant à bon compte des corps adolescents, comme certains ont tendance à le faire dans leur cinéma vieillissant. Non, Bang Gang est un film sur l’Amour, en 2015, observé au sein d’une jeunesse qui s’ennuie et qui cherche, ce qui est assez propre à l’adolescence, les limites à franchir afin de se sentir exister.
Et donc, en 2015, il y a les Internets. Et les réseaux sociaux. Et la vitesse incroyable de diffusion d’une information, d’une vidéo, de l’organisation de soirées virant en partouzes. C’est comme cela, c’est un fait. C’est d’ailleurs d’une histoire réelle qu’Eva husson s’est inspiré pour écrire son film. La question est de savoir si, in fine, cela change quoique ce soit à ce qu’est l’Amour, à ce sur quoi repose, in fine, la naissance d’une histoire d’amour. Et la réponse d’Eva Husson est tout simplement négative. Non, une histoire d’amour en 2015, comme par le passé, est intrinsèquement toujours la même chose, le contexte dans lequel elle naît a seul changé. Le rapport à la sexualité des adolescents est peut être différent en 2015 qu’en 1925, ce qui justifie la changement de contexte et la possibilité aujourd’hui de la montrer plus crue, plus brute, mais le fait de tomber amoureux, lui, sans doute, n’a pas beaucoup changé. Et en ce sens, le titre du film n’est pas un simple jeu de mots, mais bien le signe du renversement des valeurs voulu par la réalisatrice. L’idée n’est pas de montrer comme la recherche de l’amour amène à des partouzes en forme de Gang Bang, mais bien comment, en franchissant les limites des jeux sexuels, peut naître l’Amour.
Comme une réponse au documentaire d’Ovidie, À quoi rêvent les jeunes filles, Bang Gang sonne comme un hymne à l’amour, intemporel et incroyablement puissant. Bien plus puissante qu’un sexe épilé, qu’une injonction à sucer dès la première rencontre, qu’une incroyable facilité à expérimenter des jeux sexuels que l’on pensait réserver à des clubs échangistes, la rencontre entre deux êtres, celle qui va déboucher sur une histoire d’amour, emporte tout sur son passage, remplit le vide que cherchent à combler désespérément les adolescents en tentant de transgresser toutes les barrières que le monde des adultes façonnent de manière différentes à chaque époque. Les cigarettes, la drogue, l’alcool, le sexe, le rock’n roll. Peu importe la limite, le jeu est le même.
Le monde de l’adolescence est un monde fascinant. De nombreux réalisateurs s’y plongent régulièrement, avec plus ou moins de succès. Bien sûr, on pense ici à un Larry Clark (jamais aussi fort que lorsqu’il est accompagné d’Harmony Korine) ou à un Gregg Araki et on aurait raison. Mais on aurait raison surtout car Eva Husson réussit à filmer au plus juste ces êtres humains en construction, capables du meilleur comme du pire, dans un même geste, totalement insouciants (et c’est tant mieux), d’une beauté, d’une pureté et d’une fragilité qui traversent le film de part en part, transcendées par la caméra subtile de la réalisatrice. L’adolescence est une période où tout peut advenir, certes, mais reste, à travers le temps, le terrain le plus fertile à l’éclosion de l’Amour.
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