Cinéaste au formalisme toujours exposé Fabrice Du Welz arrive un peu là où on ne l’attend pas avec un Le dossier Maldoror au « classicisme » surprenant qui hisse au sommet son dernier long-métrage. La démonstration esthétique s’efface derrière le sujet, la concision et la clarté de la narration dans ce remarquable film enquête qui sans peut-être tout à fait égaler ses modèles (Pakula, Fincher) n’en reste pas moins l’un de ses meilleurs. Son adaptation finement documentée de l’affaire Dutroux fait mouche justement parce qu’elle évite les clichés, le misérabilisme et le sordide. Nous avions connu le cinéaste bien plus lyrique, dans l’épanchement. Là, c’est tout le contraire. Il tient précisément à reconstituer une époque de « mésentente » dramatique – euphémisme – entre la police communale, la police judiciaire et la gendarmerie belges, qui empêchait les affaires les plus sensibles de se résoudre, faute de moyens humains et de bonne volonté du personnel sur le terrain. Le dossier Maldoror, du nom de l’opération spéciale de la gendarmerie (1995-1996) visant à pister un suspect-clé dans la disparition de deux fillettes près de Liège (puis de bien plus, dans différentes régions du plat pays), suit ses deux hommes de main, Paul Chartier (extraordinaire Anthony Bajon) et son collègue Luis (Alexis Manenti, sur le fil du rasoir), à la recherche d’indices face aux institutions dysfonctionnelles.
L’œil affûté de Fabrice Du Welz s’attarde sur toutes les raisons pour lesquelles l’enquête reste au point mort, et le sentiment d’injustice domine de façon prégnante ces 2h30. Rien n’est à enlever, ni dans l’évolution du couple de Paul Chartier, ni dans le développement du buddy movie, ni dans l’expression de la peur et des coups de sang. L’atmosphère sombre et tendue, entre brique et tôle, entre caves aménagées et rues sans histoires, déploie un mystère constant. L’impunité est la marque de l’impuissance des populations, d’une réforme judiciaire qui se fait attendre. Et Paul Chartier décide terminer lui-même ses investigations, quitte à y perdre sa famille et sa vie. Sa trajectoire de combattant du bien, jusqu’à pire, rencontre l’aspect le plus dérangeant du film : non pas la mise en scène de la pédophilie, mais la violence institutionnelle de décideurs déconnectés. Glaçant car fidèle aux faits, bouleversant car empathique avec son (anti-)héros, Le dossier Maldoror frappe juste et fort.
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