Sublime, fascinant, époustouflant, sidérant. Les adjectifs pourraient être nombreux et, pourtant, ils n’arriveraient toujours pas à caractériser la dernière œuvre du cinéaste canadien Guy Maddin, La chambre interdite. Le cinéma du canadien est une suite d’expériences, souvent très belles, toujours intrigantes et on pourrait dans ce dernier opus une sorte d’aboutissement, ou bien d’étape vers un ailleurs que l’on a hâte de découvrir, ou bien encore une sorte de rêve dans lequel Maddin aurait mis un peu de tout ce qui le constitue, des bouts de sa mémoire et de ses désirs.
S’il y a bien une chose certaine avec La chambre interdite, c’est qu’il est parfaitement impossible d’en faire un résumé, de raconter ce qu’il s’y passe. On trouve en effet dans ce film un sous-marin dont l’équipage cherche à fuir un chargement encombrant, des bucherons qui tentent de sauver une jeune femme, un volcan, une moustache, des loups rouges, un baron qui mord son oreiller et qui cherche un petit jardinier, etc., le tout étant plus ou moins relié et racontant, au final, quelque chose qui se structure de manière assez étrange, stupéfiante, mais étrange. Guy Maddin a présenté son film (lors de l’Etrange Festival, dont il était cette année l’un des invités d’honneur) comme un hommage aux films perdus. Ces films, devenus mythiques, furent jadis réalisés mais se sont perdus au cours du temps, pour diverses raisons. Ces films peuvent être aussi des scénarios qui n’ont jamais été réalisés, à l’image des quelques écrits de Jean Vigo mis à la disposition de Guy Maddin par la fille du réalisateur, Luce Vigo, à qui le film est dédié.
Le matériau de départ de La chambre interdite est aussi le travail que le réalisateur a capté lors de sa résidence au centre Georges Pompidou, intitulé Séances. Mettre des comédiens en transe, faire appel au plus profond des spiritismes, convoquant les esprits et filmer ce qu’il advient. Dix-sept séances qui vont devenir la matière première de cette chambre interdite. Et Guy Maddin, à partir de ce matériel, digresse, transforme la matière, déforme l’image, emboîte des récits les uns dans les autres et aboutit à un objet cinématographique envoûtant et onirique, dans lequel chacun d’entre nous trouvera ce qu’il a envie d’y trouver mais qui restera une expérience cinématographique unique.
Il est peut-être question de beaucoup de choses dans ce film, chacun pourra y lire et expérimenter ce que bon lui semble. C’est d’ailleurs ce que Maddin avait souhaité avec ce projet. Mais bien-sûr, il y est question de mémoire (mais le cinéma n’est-il pas avant tout un lieu de mémoire ?), d’un fantasme de réalité, mais surtout d’amour. L’amour porté à Margot traverse le film et en constitue in fine le fil conducteur. Suivez Margot et laisser vous glisser dans ses rêves multiples, telle pourrait être le slogan de La Chambre Interdite. Et finalement, quoiqu’on y découvre, quoiqu’on en comprenne, quoiqu’on en ressente, La chambre interdite est sans doute le plus beau film de cinéma de l’année 2015, le plus étrangement inquiétant et le plus spiritement envoûtant.
Culturopoing a participé avec grand plaisir à la chasse au trésor initié sur le Web par Guy Maddin (recherche d’extraits disséminés sur différents sites), puisque La chambre interdite est également un projet qui s’appuie sur le Web. Il est possible de poursuivre cette aventure et d’aller pister ces extraites sur Twitter ( @retrouvezmargot ) ou sur Facebook ( La Chambre Interdite).
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