Si le film du tandem Ian Bonhôte et Peter Ettedgui, ne se distingue pas par sa forme, relativement classique, il emporte le morceau par son sujet : la vie d’un des derniers enfants terribles de la mode, le tourmenté et inspiré Alexander Mc Queen. Le plaisir et le frisson de revoir ces sublimes créations est au rendez-vous, ses défilés géniaux provoquent de réels moments cinématographiques.
Si vous n’aimez pas Michaël Nyman, passez votre chemin ! Sa musique dont Mc Queen était très friand, nappe tout le film, constitué d’entretiens et d’archives passionnants. Articulé en cinq chapitres avec une image récurrente de vanités, le documentaire déroule le fil du parcours fulgurant d’un prolo atypique, excessivement doué, qui a tout donné à la mode, se sacrifiant au passage, ainsi que des amitiés, comme celle avec Isabella Blow.
Le film démarre sur ce statement : « Personne n’a fait Alexander Mc Queen, il s’est fait tout seul ». Très vite, on découvre comment un tout jeune homme qui a abandonné ses études et au dire de son premier employeur à Saville Row, ressemble à un skinhead, coupe mieux qu’un tailleur de 50 ans.
Malgré les quelques bémols évoqués, si le film touche, c’est qu’il raconte la trajectoire éclair d’un météorite, un homme doué au-delà du possible qui envisageait ses défilés comme des performances, des spectacles. De l’Art Total.
Mc Queen revient sur les moments charnières de sa vie, avec ses défilés les plus singuliers et emblématiques, aux titres parlants ; Jack l’éventreur traque ses victimes, sa collection de fin études en 1992 qui va le propulser dans le milieu de la mode ; son premier défilé, très controversé, Le viol de l’Ecosse, puis quand il dessine pour la grande maison Givenchy, il intitule malicieusement le défilé Le vol de la toison d’or, jusqu’au bouleversant Hommage bleu à l’amie et source d’inspiration, Isabelle Blow, disparue tragiquement.
Mes défilés parlent de sexe, de drogues et de rock n’ roll. Je fais ça pour les frissons, les sensations. Je veux des crises cardiaques. Je veux des ambulances.
Ainsi s’exprimait feu Alexander Mc Queen.
Le documentaire est un moment suspendu dans le temps, car dédié à un homme en avance sur son époque, voire dépassé par sa précocité ? Mc Queen est mort trop jeune complètement cramé, en bon éclairé.
On revoit ou découvre ses défilés comme des œuvres d’art inouïes : celui où les mannequins défilent derrière des miroirs sans tain, ignorant le public voyeuriste qui les contemplent dans une cellule capitonnée évoquant l’HP. Tel autre, une course suicidaire, s’inspirant du grand film de Sidney Pollack Ainsi s’achèvent les chevaux . Ou encore, la grâce des robots qui repeignent à coups de jets d’encre la robe du mannequin vedette Shalom Harlow.
Ou Kate Moss, iconisée au point de devenir un hologramme chez l’immense créateur. Mc Queen permet de s’attacher non seulement à un écorché vif, incroyablement talentueux et bosseur, mais aussi à des personnages secondaires rocambolesques comme Isabelle Blow, muse, mécène et amie. Elle définit son style inclassable « entre sabotage et tradition », ce qui est également une métaphore de sa vie et de celle de Mc Queen.
Au vu de son sujet, on peut reprocher au film d’être un peu trop policé. L’un des réalisateurs vient de la publicité et du clip, ce qui rend parfois son contenu un poil convenu : les vanités qui bouclent chaque chapitre, filmées de façon un peu clipesque, récurrences des images de chrysalides, la musique incessante. Nonobstant, le récit bien charpenté, et surtout son héros, gagnent largement la partie.
La vie du jeune styliste anglais et de la muse extravagante, est un roman en soi et les deux réalisateurs ont su saisir ce potentiel romanesque, mieux : romantique.
En cela, le film est réussi.
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