Jacques Audiard – « Les Olympiades »

Synopsis :

Paris 13e, quartier des Olympiades. Émilie rencontre Camille qui est attirée par Nora qui elle-même croise le chemin de Amber. Trois filles et un garçon. Ils sont amis, parfois amants, souvent les deux.

©ShannaBesson

(réédition de l’article publié à chaud pendant le Festival de Cannes, où le film a fait sa première mondiale en compétition)

Dès la première scène, qu’on ne décrira pas mais où on reconnaît sans pouvoir dire exactement comment le cinéaste déjà palmé à Cannes pour Dheepan, le nouveau film de Jacques Audiard galvanise et vivifie. C’est quelque chose dans l’éclairage, la situation (où se superposent ou convergent en fait, on le voit du premier coup d’oeil, plusieurs récits), la conscience de la présence de la ville sous les fenêtres de cette tour du quartier du 13e arrondissement qui donne son nom au film… Si le réalisateur est bien là, toujours reconnaissable à sa manière à lui, comme entre les lignes de films qui n’ont jamais tout à fait la même allure, l’auteur d’Un prophète et de De rouille et d’os, tout récemment des Frères Sisters, s’essaie encore ici à quelque chose de nouveau : visuellement (l’ensemble, sauf une scène de livecam dans un écran d’ordinateur, est filmé dans un noir et blanc sublimissime, quelque part entre la Nouvelle Vague et La Haine), au niveau du ton (modelé par l’humour et la vivacité d’esprit du premier personnage qu’on découvre et qui donne le la du film, Émilie, une Parisienne de descendance chinoise dont on entend le sens de la répartie dans ses deux langues – évidemment !), du milieu social dépeint. Et surtout, il cède la parole à une féminité jusque là rarement présente dans sa filmographie, à travers un scénario écrit à six mains avec Léa Mysius et Céline Sciamma – dont on a envie d’avancer qu’elle a peut-être également contribué au choix des musiques, électrisantes (composées par Rone).

©ShannaBesson

Le quartier qu’Audiard Jacques dépeint ici, la cité des Olympiades à Paris, un lieu fascinant fait de petites pagodes de béton entourées d’immenses immeubles dressés vers le ciel où l’on circule par des escalators et des passages, un quartier qui semble presque une ville à lui seul et fait partie du Chinatown parisien, jouxte le 14e d’Audiard père, entre la Tombe Issoire et Montsouris. Dans ce grand ensemble sans doute très moderne à une époque, à présent un peu fané, évolue une jeunesse qui se cherche et dont le mode d’existence semble le miroir de son architecture. Ils oscillent entre cantonnement dans un territoire bien délimité où n’entre pas qui veut (entre les murs de leurs appartements, dans les petits rectangles de leurs petits écrans) et fluidité de rapports éphémères qui ne changent rien à leur solitude, qui ne sont pas de vrais liens.

©ShannaBesson

À travers les parcours croisés d’Émilie, téléopératrice puis serveuse quoiqu’elle ait fait Sciences Po, de Camille, un prof de français qui tout en travaillant sur sa thèse de doctorat (sur le langage, semble-t-il – évidemment bis repetita) se reconvertit dans l’immobilier, de Nora, qui en vient (de l’immobilier) et qui y retourne, après une expérience malheureuse de (cyber)harcèlement alors qu’elle essayait de reprendre ses études en fac de droit, et d’une star du chat érotique sur le net, le film tisse un réseau de connections et d’échos superbement ouvragé, humain, vivant, à la fois réaliste/actuel et follement sentimental, tout en prolongeant gracieusement une réflexion sur les espaces de vie, réels et métaphoriques, qui habite tous les films d’Audiard. On passe aux Olympiades un moment exquis.

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A propos de Bénédicte Prot

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