En 2007, Jean-Gabriel Périot s’était déjà penché sur Hiroshima et sa tragédie de 1945 avec le court-métrage documentaire 200 000 Fantômes(Nijuman no borei). Un diaporama d’une dizaine de minutes composé de photographies -en noir & blanc et en couleur- de diverses époques -avant et après l’explosion- et de provenances multiples (archives de la ville, photographies de particuliers ou encore clichés du réalisateur lui-meme…) articulées autour d’un même lieu – le mémorial de la paix d’Hiroshima – interrogeant sans le moindre mot l’Histoire et la mémoire. 10 ans plus tard, le cinéaste explore de nouveau les fantômes d’Hiroshima en faisant cette fois -ci le choix de la fiction, pour son deuxième long-métrage Lumières d’été, deux ans après le documentaire Une Jeunesse Française. Le film nous raconte l’histoire d’Akihiro, un réalisateur Japonais vivant à Paris, de passage à Hiroshima afin d’interviewer des survivants de la bombe pour les besoins d’un reportage consacré aux 70 ans de l’explosion. Bouleversé par l’un des témoignages, il se recueille dans un parc où il rencontre une jeune femme, Michiko qui va l’entrainer dans un voyage improvisé à travers la ville…
Lumières d’été se construit sur deux blocs de durées inégales (l’un d’une vingtaine de minutes et l’autre d’une heure) reliés en toute transparence, formant un film presque hybride dans sa conception et pourtant désarmant de simplicité dans son exécution. Le premier, nous montre la mise en place d’une équipe de tournage suivi de la captation des souvenirs d’une survivante. Ce témoignage filmé fixement et frontalement – sans coupes, presque sans montage – tend à abolir la frontière entre ce qui relèverait du documentaire et de la fiction. Les différents intervenants se retirent progressivement du cadre, le protagoniste principal se confond aisément avec le metteur en scène tandis que le récit bouleversant trouble par la précision et le naturel de son incarnation à l’écran (il s’agit d’une comédienne – comme pour tous les autres protagonistes – non professionnelle). Le second, a contrario lumineux et aérien observe la rencontre entre Akihiro et Michiko puis leurs déambulations à travers un Hiroshima contemporain que l’on découvre en même temps que le héros. Le film prend alors peu à peu l’allure d’un conte initiatique avec même quelques accents de comédie romantique, dans une forme oscillant entre naturalisme et envolées poétiques plus inattendues. Il nous aspire aux côtés de Michiko pour une balade ensoleillée -accompagnée d’une très belle partition de Xavier Thibault- dans les recoins de la ville en partant du centre industrialisé -très largement reconstruit après l’explosion- pour aller vers des zones plus excentrées dévoilant de superbes paysage de bord de mer.
Ces deux parties opposées dans leur tonalité – évoquant chacune à leur manière deux étés à Hiroshima à 70 ans d’intervalle – interagissent indirectement entre elles, se répondent, se complètent pour atteindre un équilibre délicat. L’une et l’autre mettent au centre du récit des personnages féminins, Mme Takeda et Michiko, la première symbolisant le passé d’Hiroshima, la seconde son présent. Un présent « obligé » par son passé, où la nécessité de se souvenir n’est pas perçue comme une contrainte, mais au contraire comme le devoir de vivre en toute insouciance chaque instant. Une ville aujourd’hui tournée du coté de la vie, de l’avenir, cela malgré l’impossibilité d’oublier un passé marqué par l’un des épisodes les plus terribles de l’Histoire. Lumières d’été relate dans la légèreté, avec une douceur apaisante, réconfortante, la difficulté mais aussi la nécessité pour les habitants de vivre avec leurs morts. Le film peut se lire simplement comme un témoignage du réalisateur, comme une déclaration d’amour pour la ville d’Hiroshima. Il peut aussi constituer une invitation plus profonde à s’interroger intimement sur notre propre rapport à l’Histoire et l’importance déterminante qu’elle peut jouer sur notre quotidien. Dans les deux cas, il parvient admirablement à ses fins.
À noter que le court-métrage 200 000 Fantômes est judicieusement projeté en préambule, ses images trouvant directement un écho dans les mots du témoignage inaugural.
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