Série B sans sous-texte politique, ni pluralité des niveaux de lecture, Project Wolf Hunting de Kim Hong-sun (réalisateur des épisodes de Money Heist : Korea, version coréenne de La Casa de Papel) n’est rien de moins qu’un délice orgiaque, qui a toutes les qualités du défouloir du samedi soir, jouant sur la corde raide des excès jusqu’à se changer en une approche radicale de cinéma d’horreur. Le film est un voyage vers l’enfer : pour des raisons de sécurité, une flopée de détenus tous plus dangereux les uns que les autres sont regroupés sur un porte-containers afin d’être transférés des Philippines à la Corée du Sud. Simultanément, des pirates prennent le contrôle du cargo, les prisonniers parviennent à se libérer et une sorte de monstre barbare contenue dans la salle des machines se réveille : la boucherie peut commencer.
Et le long métrage de devenir un banquet orgiaque de morts violentes arrosées de geysers de sang, changeant le bateau en une sorte de Théâtre du Grand Guignol sur flots. Ce qui saisit vraiment dans le film de Kim est bien cette façon décomplexée d’affronter la violence, administrée sans hésiter ni ciller avec une brutalité aux curseurs poussés à leur maximum, dans une volonté de débordement qui tient peu à peu lieu de fil narratif. C’est par le surrégime de sa mise en scène et de sa dépense d’énergie, par l’accumulation de barbaries en tous genres que le film trouve paradoxalement sa stabilité, délaissant la clarté de son récit multipliant à perte les pistes, les arcs narratifs, les origin stories des personnages auxquelles on ne comprend pas grand-chose au profit de sa bacchanale de sang.
Ce déferlement de violence n’est pas sans évoquer par moments les films de catégorie III du cinéma hong-kongais, ou encore une œuvre marquante, traumatisante de ces derniers temps comme The Sadness (Rob Jabbaz, 2021), à ceci près que si ce dernier dressait le portrait d’une humanité toujours sur le fil d’une abjection inhérente à notre espèce dans une démarche aussi misanthrope que philosophique, Project Wolf Hunting, film outrancier, n’est jamais exempt d’un second degré désamorçant toute tentative d’esprit de sérieux (le monstre arrachant le bras d’un pauvre scientifique cependant quelque peu véreux afin de le frapper avec son membre désolidarisé du reste de son corps). Nous serions peut-être plus proche d’une œuvre de cinéma bis comme Frankenstein’s Army (Richard Raaphorst, 2013) pour ses corps outragés, remodelés pour être ranimés et augmentés, dans un monde sans nuances où l’humain est soit une victime qui meurt d’une façon barbare, soit un monstre qui tue sans la moindre esquisse de scrupule. Quoi qu’on en pense, l’œuvre de Kim Hong-sun reste certainement la plus proche dans l’esprit de ce que nous pourrions attendre d’un film de genre coréen, par son absence de concessions et son caractère bien trempé. S’il n’est objectivement pas le plus fin ou le plus beau formellement parlant, il célèbre une esthétique triviale, ludique et rebelle, quelque part entre l’Art brut et le plaisir des enfants à s’éclabousser et à se tacher.
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