It’s OK ! , titre gentiment ironique, commence par une situation tragique. Dans un montage alterné, précis et tranchant, on suit d’un côté la jeune collégienne In Young, en pleine répétition de danse des bâtons au son des percussions, et de l’autre sa mère le téléphone à la main au volant. L’élégance formelle de la séquence, très dynamique, s’achève par un accident et le décès de la conductrice. Fin d’un prologue qui annonce un mélo avec trauma à la clef. Contre toute attente, cette ouverture n’épouse pas la tonalité à venir, comme s’il s’agissait d’évacuer le drame pour entrer dans le vif du sujet. En effet, un an plus tard, on retrouve In-Young, orpheline, qui se débrouille comme elle peut sans tuteur. Elle s’entraîne dur avec ses camarades afin de préparer le 60ᵉ anniversaire de son école de danse. Expulsée de son domicile, elle est recueillie par Seol-ah, sa mystérieuse professeure dont la dureté et la froideur cachent une fêlure profonde.

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Entre ces deux êtres « brisés », se noue une relation qui va les rapprocher. La bonne humeur constante de la jeune fille, toujours souriante et pétillante malgré sa souffrance, contamine progressivement l’enseignante qui va s’ouvrir au monde et s’épanouir. Les clichés du roman d’apprentissage abondent. Mais l’optimisme béat et les bons sentiments en cascade dissimulent un sujet plus secret et sombre, en phase avec notre monde contemporain. It’s OK !, n’est pas si hors sol qu’il en a l’air. En filigrane, un discours subtil sur la société coréenne se dessine derrière l’enrobage rose-bonbon un peu mièvre. L’injonction terrible de la performance comme ultime reconnaissance dans un système vertical où il faut être le plus fort quitte à écraser les autres n’est pas éludée, de même que les méthodes douteuses de l’éducation (musicale et corporelle dans ce cas) à travers ce qui ne devrait être qu’un loisir, à la manière d’un sport d’équipe. C’est un peu ce que les élèves vont finir par comprendre dans ce récit initiatique qui aborde les thèmes de la résilience et de l’entraide. Kim Hye-Young livre un message d’espoir destiné aux adolescent(e)s victimes d’un traumatisme ou de difficultés d’insertion.

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Hymne à la sororité et à l’ouverture vers l’autre, It’s OK ! ne révolutionne en rien le teen-movie à travers son programme calibré, parfait équilibre entre naïveté revendiquée, humanisme lénifiant et humour gentillet. Les petites notes au piano ou les jolis accords à la guitare acoustique rythment une œuvre impossible à détester, pétrie d’idées intéressantes et de motifs graphiques séduisant. La mise en scène, élégante et superficielle, est nimbée d’une jolie lumière, de cadrages impeccables et de mouvements de caméra fluides qui lui donne un petit côté manga pas désagréable. À force de jouer la carte de la bienveillance à tous les étages, It’s ok est au cinéma, ce que la KPop est à la pop traditionnelle. Les jeunes comédiennes sont interchangeables, mais on sait gré à la réalisatrice d’un effort de caractérisation et d’ancrage dans la réalité : la pauvre sauvageonne sans le sou, pleine de vie, s’oppose à la fille de la directrice, ce qui permet de ne pas faire l’impasse sur les rapports de classe. De même, Kim Hye-Young décrit un pays cruel qui mise sur la compétition comme valeur essentielle. Ces brusques rappels à un réel tangible font tout l’intérêt de cette charmante bluette. Derrière le vernis bien propre de l’entreprise, se drape une œuvre plus acerbe qui devrait toucher le cœur d’un jeune public sensible à la démarche.
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