Personne ne donnait cher de ce reboot d’une franchise aux réussites parfois notables, à l’instar de La fiancée de Chucky du talentueux Ronny Yu ou encore de La malédiction de Chucky  de Don Mancini, le créateur d’origine. Exploité en France sous le titre Jeu d’enfant, l’original, en dépit de sa réputation n’a rien d’un grand classique du genre. Il s’agit juste d’un slasher efficace habilement emballé par Tom Holland, géniteur de l’excellent Vampire vous avez dit vampire. Au regard des récents et catastrophiques remakes de films de genre des années 80, cette nouvelle version, le neuvième de la saga, laissait présager du pire. La présence d’un obscur cinéaste norvégien derrière la caméra accentuait le parti pris cynique de producteurs avide de chercher des petits talents du côté du grand froid -souvent pour leurs compétences techniques – pour mieux les canaliser. Quant au design lisse et inexpressif de la poupée, au vu de la bande annonce, il n’allait pas nous rassurer. Et pourtant ! Child’s play: la poupée du Mal  s’avère une heureuse surprise détournant le scénario de l’original pour investir un univers plus contemporain. Il n’est plus question d’un serial-killer s’emparant du corps d’une poupée. L’idée de transmission d’une entité (humaine ou non) maléfique, déjà vu dans Hidden ou Jason va en enfer, se substitue à un récit plus réaliste, en prise aux angoisses contemporaines.

Child's Play : La poupée du mal : Photo Aubrey Plaza, Gabriel Bateman

Copyright Paramount Pictures France

Un peu à la manière du générique des Simpsons réalisé par Banksy, le film démarre au Vietnam dans une usine de fabrication de poupées. Menacé d’être viré sur le champ, un employé décide de modifier les paramètres et de retirer toutes les fonctionnalités protectrices, notamment tout ce qui relève du contrôle parental, laissant alors sur le marché un jouet capable de dire « fuck » à la première occasion. Mais le langage ordurier n’est qu’un début. Évidemment, la poupée, qui se nomme Buddy, en référence à l’original car la poupée devait s’appeler ainsi, traverse les continents et se retrouve vendue aux États-Unis, par Kaslan, entreprise avançant une technologie de pointe pour les jouets destinés à nos chères têtes blondes. Une employée modeste d’un des magasins Kaslan, offre la poupée en question à son fils Andy pour on anniversaire. Rapidement, la poupée, autonome, souhaite se faire appeler Chucky. Son dysfonctionnement l’amène à un comportement de plus en plus possessif libérant des instincts meurtriers.

Cette digression scénaristique pertinente, passant d’une poupée possédée à un « robot », échappant au contrôle de l’homme renvoie aux inquiétudes universelles sur la prise de contrôle de la machine sur l’homme, thème classique de la science fiction du XXème siècle, ayant engendré quelques chefs d’œuvre, 2001 l’odyssée de l’espace et Blade Runner en tête.

A l’instar du film de Tom Holland, mais de manière beaucoup réaliste et palpable, la bonne idée de ce Chucky new look est de situer à nouveau l’action dans un quartier populaire de Chicago, saisissant au passage une atmosphère gangrénée par l’abandon et l’insécurité. Pas d’exagération ni d’édulcoration dans la manière de filmer un décor oppressant, peuplé de pauvres gens, de gosses livrés à eux-mêmes et de figures inquiétantes, à l’image de l’électricien libidineux.

Child's Play : La poupée du mal : Photo Gabriel Bateman

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Child play’s 2019 ne révolutionne en rien le cinéma horrifique actuel mais la fluidité de la mise en scène, valorisée par une photographie soignée privilégiant les couleurs sombres en osmose avec la topographie des lieux, remplit le cahier des charges. Les meurtres sont efficacement exécutés, voir parfois jouissifs et excessifs au sein d’un récit sans grandes surprises. Aussi stéréotypés qu’ils soient, les personnages demeurent attachants, en particulier la bande de gamins qui renvoie directement au cinéma des années 80. Une référence qui n’a rien d’hasardeuse tant le film entretient des connivences avec le cinéma de Joe Dante. Lors de la grande scène finale dans le magasin de jouets comment ne pas penser à Gremlins, d’autant que le prologue y faisait déjà référence. Et oui la menace vient également de l’Asie – l’allusion étant moins xénophobe que gentiment anti-capitaliste. Le délire n’est pas tout à fait au rendez vous avec la révolte des jouets dirigés par Chucky mais ne faisons pas la fine bouche. Le slasher high tech de Lars Klevberg se laisse visionner comme une agréable série B à l’ancienne, boostant une franchise d’un petit coup de sang neuf.

A l’heure où les films d’horreur sortent de moins en moins souvent dans les salles obscures, relayés directement sur des plates formes comme Netflix, on ne s’en plaindra pas.

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A propos de Emmanuel Le Gagne

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