Le lendemain, premier long métrage suédois de Magnus Von Horn, est une première œuvre puissante, une œuvre coup de poing qui ne cogne pas mais interroge durablement. C’est avec une précision chirurgicale et une beauté amène que Magnus Von Horn dévoile, dénude, embrasse le visage angélique d’un jeune adolescent de 16 ans, son long chemin vers la rédemption après un meurtre accidentel et c’est avec la distance qu’il convient pour ne pas briser ce corps frêle, qu’il le dirige vers une vérité brute et brutale, celle de l’impossible pardon lorsqu’il rencontre le visage hostile de l’autre. Poignant.
Comme surgit de nulle part ou des limbes, c’est de dos que John (Ulrik Munther) déambule tel un pantin gauche, démantibulé, de sa sortie du centre de détention pour mineurs jusqu’à sa bourgade, maison, famille austère. Auréolé d’un bleu qui inonde le cadre très soigné de la photographie – le chef opérateur n’est autre que Lukasz Zal qui a précédemment travaillé sur le très mystique Ida de Pawel Pawlikowski- c’est la sidération, la honte et la naïveté de ce protagoniste presque dostoïevskien que Magnus Von Horn filme, accompagne presque, du retour à la maison paternelle jusqu’au Lycée qu’il fréquentait.
Au centre du cadre, seul, John se heurte aux paysages déserts, au champ large de la caméra qui repousse les cadres : celui de la famille composée d’un père, d’un petit frère et d’un grand père malade, celui aussi du supermarché où les rayons semblent s’écarter sur son passage tout comme s’écartent les murs du Lycée pour ne laisser place qu’à cette solitude somnambule qui fait face à l’autre : tantôt au dégoût, à la fascination, à la peur. Que se passe-t-il dans la vie de John ? Un long silence, le silence de l’effacement qui implore si ce n’est le pardon, du moins l’oubli pour un possible retour à la vie. C’est ce chemin d’abord sacrificiel que filme Magnus Von Horn, de l’effacement du corps et de la parole à l’acceptation des coups jusqu’à l’espoir désespéré d’une délivrance, qui nous livre dans une scène déchirante face caméra, le visage de celui qui arbore désormais aux yeux de tous et d’abord aux siens, les stigmates de la culpabilité, le visage du monstre.
Présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2015 Le lendemain s’impose comme une œuvre puissante qui se situerait à égale distance entre Despues de Lucia de Michel Franco, Oslo 31 août de Joachim Trier. Magnus Von Horn s’impose avec cette première œuvre comme un cinéaste de l’épure, signant ici une œuvre contemplative mais éminemment empathique qui au-delà de la question du langage, pose celle fondamentale du pardon et du visage de l’autre, celui du monstre Hugolien, avec les accents d’un Derrida ou d’un Levinas qui l’auraient avec grâce inspiré.
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