Emma est une jeune adolescente passionnée de football et grandit dans une famille unie. Son quotidien vole en éclats le jour où son père annonce à sa sœur, à sa mère et à elle-même, qu’il souhaite devenir une femme. Girl (1), sorti en 2018, racontait sous un jour réaliste la métamorphose d’une jeune danseuse transgenre, soutenue dans ce long processus par un père bienveillant. Malou Reymann, la réalisatrice d’A perfect family, s’attache plutôt à rendre le maelstrom émotionnel que traverse son héroïne, d’abord dévastée par la décision de son père.

Premier long-métrage de Malou Reymann, inspiré d’une histoire personnelle, A perfect family est un film plaisant, porté par l’interprétation éblouissante de sa jeune actrice principale, Kaya Toft Loholt. Si le premier tiers du film est vraiment haletant, on peut regretter que la suite recèle moins de surprises. A perfect family parvient cependant à émouvoir le spectateur par la tendresse du regard porté sur ses personnages et par son immense mélancolie.

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Envisagé par sa réalisatrice comme un « voyage qui conduit à l’acceptation de soi », le film apparaît d’abord comme le récit d’une perte et excelle à rendre le saisissement et la confusion d’Emma. L’alternance de séquences au présent et de vidéos familiales immortalisant un anniversaire, une chasse aux œufs, une confection de sablés de Noël, vient accentuer la rupture entre un avant et un après et dramatise l’implosion du foyer. La construction habile des personnages des deux sœurs, en particulier le contraste dans la manière dont elles perçoivent ce changement, tend encore à isoler l’héroïne. Enfin, le choix d’une perspective limitée sur les péripéties de cette famille bien imparfaite – puisque tout est montré du point de vue d’Emma – contribue aussi à renforcer le sentiment d’abandon vécu par la sœur cadette. La séquence du rendez-vous familial avec la psychologue et médiatrice, qui pourrait relever de la comédie si les enjeux n’étaient pas aussi importants, est à ce titre remarquable : refusant de découvrir son père pour la première fois sous sa nouvelle identité, Emma trouve un étonnant stratagème pour assister tout de même à l’entrevue. Présente-absente, elle fait ainsi preuve d’une bonne volonté particulièrement touchante, tout en ajournant sa découverte d’Agnete, anciennement Thomas.

Dans A perfect family, la réalisatrice capte les moindres émotions de son personnage, s’attardant sur le visage bouleversant de son actrice. Malou Reymann révèle que le père de Kaya Toft Loholt est sourd, et que celle-ci a une idée assez précise de ce que signifient la norme et la différence. Voilà peut-être ce qui explique la maturité et la gravité dans le jeu de cette formidable interprète, qui parvient à rendre avec un talent infini le mélange d’amour et de trahison ressenti par son personnage.

Si Malou Reymann aborde dans son film la question de la transidentité, c’est sans s’appesantir sur les détails de cette transformation. Contrairement à Xavier Dolan, qui dans le splendide Laurence Anyways, abordait de front la question du genre et celle de la sexualité, ici, le point de vue est plus restreint, et évoque moins la transition du père que le cheminement de ses enfants vers l’acceptation. La métamorphose est ainsi autant celle du père que de sa fille, sommée de faire ses adieux à l’enfance.

(1) Girl, Lukas Dhont (2018) avec entre autres Victor Polster, Arieh Worthalter

« A perfect family », 1h41 min / Comédie dramatique, Drame, Comédie

De Malou Reymann, avec Kaya Toft LoholtMikkel Boe FolsgaardNeel Rønholt

Nationalité Danois

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