Présenté à l’ACID Cannes en 2022, How To Save A Dead Friend, premier long-métrage de l’artiste plasticienne Marusya Syroechkovskaya, arrive dans les salles françaises.
Dans la Russie contemporaine, à travers plus d’une décennie d’images enregistrées quotidiennement – du début des années 2000 à 2016 et additionnées de ses propres commentaires audio – Marusya Syroechkovskaya relate son histoire avec Kimi, de leur rencontre à la mort de ce dernier, en passant par leur mariage et la toxicomanie de Kimi, le tout sur fond de commentaire social.
Pensé comme un livre d’images ou, plus précisément, comme un album-souvenir – ponctué d’expérimentations formelles à la portée esthétique et narrative surprenante – le film constitue pour le spectateur un véritable plongeon dans la vie et la psyché de Marusya Syroechkovskaya, celle-ci nous y offrant le récit sans fard de sa relation avec Kimi, faite de dépression, de séparations, de retrouvailles, de très graves problèmes de drogue… mais aussi et surtout faite d’un amour inconditionnel entre ces deux êtres ayant passé des années à se filmer de manière quasi-permanente et se soutenir dans toutes sortes d’épreuves, jusqu’à ce que l’un d’eux en arrive à franchir le point de non-retour…
How To Save A Dead Friend s’apparente donc autant à un testament qu’au vibrant hommage d’une cinéaste à l’homme de sa vie, ainsi qu’à la tentative assumée (Marusya Syroechkovskaya déclarant dans le film « s’il y a une vie après la mort, elle est pixellisée ») d’offrir à cet homme la possibilité – grâce au médium cinématographique – de vivre éternellement et d’échapper à l’oubli.
En dépit du caractère intime de son sujet, How To Save A Dead Friend est également une oeuvre foncièrement politique, brossant, à travers le cas de Marusya et Kimi, le portrait d’une jeunesse entière se heurtant aux restrictions imposées par le pouvoir autocratique en place et n’ayant d’autre choix que de résister par la pensée et la création ou de s’échapper en s’anéantissant par tous les moyens (délinquance, drogue et autres tentatives pas toujours avouées d’en finir…).
L’ensemble du film fait ainsi écho, ainsi que ses protagonistes, à la situation politique russe et à son évolution, Kimi déclarant avoir souffert, durant son enfance, des pénuries alimentaires lors de l’effondrement de l’URSS et Marusya participant à des manifestations, filmant, sur sa télévision, les discours de Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev – dont ni elle ni ses proches ne sont dupes – et surnommant son pays La Fédération de la Dépression…
Panorama de l’auto-destruction, cri du coeur d’une génération en mal d’avenir et portrait d’un pays exsangue, How To Save A Dead Friend est un poème filmique des plus précieux, un témoignage politique essentiel et une histoire d’amour à la portée universelle.
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