Josie Rourke – « Mary Stuart, Reine d’Écosse »

Si le topos des frères ennemis fait l’objet d’un consensus culturel cristallisant l’héritage du pouvoir autour de la rivalité masculine, celui des sœurs ennemies est plus singulier. Certes, on ne compte pas les nombreuses adaptations littéraires et cinématographiques qu’a inspirées la vie tumultueuse de Mary Stuart. Celle qui régna d’abord sur le trône de France jusqu’à la mort de François II, rejoignit l’Écosse en qualité de souveraine catholique, tandis que les protestants avaient prêté allégeance à la reine d’Angleterre Elizabeth Ière. Néanmoins, Mary Stuart est restée l’héritière légitime de la couronne d’Angleterre. C’est sur son retour parsemé d’obstacles qu’est bâti le film de Josie Rourke, Mary Stuart, Queen of Scots. La réalisatrice met en avant les efforts de Mary à unifier le royaume et à faire valoir sa légitimité, avec l’aval d’Elizabeth. Mais les protestants voient d’un très mauvais oeil celle qu’ils considèrent comme une émissaire de la papauté, dévoyée par le faste. En mettant au monde un successeur, Mary préfigure un danger pour la stabilité de la monarchie insulaire et le pouvoir des nobles anglais, accrochés à leurs privilèges.  Son union avec Lord Darnley n’y fera rien : les ruses sont de toutes les niches politiques, afin de destituer celle qui finit par mourir décapitée, accusée d’avoir ourdi un complot contre la reine d’Angleterre.

© 2018 FOCUS FEATURES LLC. ALL RIGHTS RESERVED.

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La réalisatrice britannique Josie Rourke manie une trame historique bien connue et non moins fascinante, en y prêtant son regard féministe. Les choix de la réalisatrice tiennent à la composition de tableaux qui mettent au cœur même de l’incarnation du pouvoir celle de la féminité. Dans une narration somme toute linéaire et conventionnelle, la cinéaste construit des scènes en apparence anecdotiques, mais significatives d’un parti-pris de modernité. Si Mary Stuart (Saoirse Ronan) et Elizabeth (Margot Robbie) sont peu réunies dans un même plan, elles sont surtout mises en regard alternativement, pour construire visuellement le lien qui les unit par-delà leurs oppositions. Tandis que l’Écossaise arbore un port délié et gracile, l’Anglaise impose un maintien phallique et rigide – même au plus haut point de la maladie, couverte de pustules. Quand Mary noue une complicité presque charnelle avec ses proches femmes de chambre, plutôt curieuses de la chose sexuelle, Elizabeth est sans cesse en pourparlers avec ses conseillers instigateurs. Et là où Mary se divertit des attitudes efféminées de son musicien, Elizabeth est jalousement épiée par une de ses dames de compagnie. Les jeux de regards et la photographie en clair-obscur sont au service des strates d’un désir subversif, où la réalisatrice exhume des sombres recoins des faits historiques discutés, comme l’homosexualité de Lord Darnley. Les scènes intimistes alternent avec des scènes d’extérieur, qui attestent l’envergure historique d’un film qui veut insister sur la notion de frontière et la tentative des deux reines de venir à bout de leur rivalité. Période ô combien heurtée que celle de l’Europe du XVIème siècle, déchirée par les guerres de religion, qui connut un climat d’une rare violence politique et sociale. Mais ce n’est pas tant cet aspect qu’a retenu Josie Rourke, que celui des progrès et pressions, des stratégies et stratagèmes qu’ont tenté de mener deux femmes fortes entourées d’hommes manœuvrant selon leurs intérêts, plus que par esprit de conciliation.

 

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Premier long métrage de Josie Rourke, Mary Stuart, Queen of Scots révèle une mise en scène soignée portée par la bande son lyrique du très talentueux Max Richter. Cependant, la succession de vignettes peine à exprimer une dynamique dramatique, sinon historique, convaincante. L’action est esquissée et les tensions contenues dans des scènes allusives ou illustratives. Il n’en reste pas moins que le signifiant de « sœur », fil tendu entre les deux cousines, chemine dans les missives et les adresses orales pour valoriser ces deux destins qui se disputent la couronne, au détriment de ceux qui veulent les manipuler. On pouvait s’attendre à ce que les tensions soient plus affirmées pour exacerber une intrigue dont on connaît bien la fin tragique. Mais en ce point précis, la narration est expédiée au profit du passage en revue des étapes de la destitution inéluctable de la reine d’Écosse, qui aurait eu l’air presque anecdotique, si elle n’avait été sauvée par une mise en scène jouant de l’effet de boucle en deux plans renversants d’efficacité. Saluons l’interprétation de Saoirse Ronan et de Margot Robbie, dans ce jeu de quilles politique d’une telle âpreté qu’il impose les deux actrices en souveraines forçant l’admiration par leur courage et leur détermination.

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A propos de Miriem MÉGHAÏZEROU

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