Adam, premier long métrage réalisé par Maryam Touzani (après deux courts-métrages et un documentaire) présenté à la quinzaine des réalisateurs, a été produit par son mari Nabil Ayouch connu pour son exploration des bas-fonds de la société marocaine.
Déjà, Meryem Benm’barek avait ouvert une brèche en s’attaquant avec son très beau et poignant Sofia (2018) au sujet tabou des mères célibataires et s’est vu attribuer le prix du scénario dans la section Un certain regard du festival de Cannes.
Durant tout le début du film Adam, la caméra suit le personnage de Samia, jeune mère célibataire dans sa tentative de trouver un travail et un toit où abriter la honte qui pèse sur son corps. Elle finit par trouver refuge chez Abla, veuve asséchée vivant seule avec sa fille, incarnée par une Lubna Azabal tout en justesse et en retenue. Cette dernière commence progressivement à lâcher son dur voile de résistance en acceptant l’aide de Samia.
L’économie des dialogues est ici contrebalancée par une caméra qui se concentre sur les gestes ancestraux effectués par les deux femmes pour confectionner le pain ou élaborer la rziza (gâteau traditionnel marocain). Ces gestes sensuels et répétitifs construisent le quotidien des deux femmes autant qu’ils participent à sceller la solidarité qui naît entre elles.
Très vite, une complicité se noue entre Samia et Warda, la fille de la veuve et c’est la réaction de cette dernière qui l’oblige à aller la chercher après l’avoir expulsée de chez elle. Cet événement constitue le point d’orgue du film déclenchant la mue de Abla. Le personnage de Samia agit comme un révélateur et un modulateur qui va littéralement opérer une métamorphose chez cette dernière.
Ainsi, Samia force la veuve revêche à renouer avec une sensualité enfouie depuis le décès de son mari. La chanson « Bet wenis Bik » de Warda El Jazaïra (un classique dans les pays du Maghreb et du Moyen Orient) joue un rôle primordial dans la construction dramaturgique et devient, dès lors, l’emblème d’une libération de la parole et d’une exultation du corps.
Poignant et d’une grande maîtrise tant au niveau de la construction scénaristique, de l’image vacillant entre ocre et or, que dans la direction des actrices – d’une justesse et d’une intensité implacables-, le film se charge, sans ostentation, d’une dimension militante au détour d’un dialogue « La mort n’appartient pas aux femmes ». Il se révèle comme un plaidoyer, pour le droit des mères célibataires et les droits de toutes les femmes en général, à disposer de leur corps, rejoignant ainsi le dernier débat qui a secoué le Maroc autour des lois contre l’avortement et les relations sexuelles hors mariage.
Par la construction de cette solide voûte féminine évoluant entre un huis clos charnel et intimiste et une sensualité contenue, la réalisatrice parvient à éviter l’écueil d’une représentation cliché de la femme victime de la société patriarcale.
Le film se clôt par cette déchirante scène de fin où Samia découvre à la fois son enfant et les gestes de l’amour maternel.
Adam, comme le prénom du premier homme de l’humanité et cette destinée incertaine qui laisse hors champ la décision de Samia, quittant incognito la maison de sa bienfaitrice.
Disponible en VOD depuis le 9 avril 2020
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