Et non ! Le film d’horreur de l’été n’est pas Midsommar, qui rappelons-le ne s’inscrit pas complètement dans le genre, mais bien ce Ready or not dont le titre original sied bien mieux que ce banal Wedding Nightmare choisi pour son exploitation en France. Dès les premières séquences, les cinéastes distillent une atmosphère étrange qui relativise quelque peu le bonheur affiché par les personnages. En grande pompe et en pleine festivité, faisons la connaissance de la future mariée, Grace, pièce rapportée au sein d’une famille de la Haute bourgeoisie, très à cheval sur les valeurs établies et les règles dictées par les anciens. Ce n’est pas un hasard si son futur mari, le si prévenant Daniel, lui demande avec tout le sérieux du monde, si elle est persuadée de faire le bon choix. Si elle souhaite tout annuler, elle peut le faire sur le champ, il comprendrait. Une phrase d’usage que certain-e-s ont déjà entendu dans le seul but de rassurer, de sceller une union. L’art de se faire désirer en quelque sorte. Or, une fois n’est pas coutume, Grace aurait dû prendre un peu moins à la légère les avertissements de Daniel. L’angoisse inextricable d’intégrer une famille lorsque l’on est à moitié orpheline, mêle l’effroi à l’excitation. La pauvre Grace va donc dire oui sans savoir dans quel guet-apens elle s’est jetée. Mais qui connaît les règles et les archétypes n’est pas dupe : la longue lignée des Le Lomas est constituée de figures décadentes – aux têtes d’aristocrates vampires, comme en attestent les portraits accrochés – pathétiques et inquiétantes entre la mère mielleuse au sourire forcée, la grande mère à l’allure de spectre, le frère alcoolique dégoûté qui aimerait renier ses origines ou encore la sœur hystérique. Cette galerie d’individus borderline en dépit (ou à cause) de leur classe sociale nourrit un récit intelligemment construit. Chaque personnage est croqué en deux trois plans avec une remarquable économie de moyens et une efficacité faisant de chacun une silhouette potentiellement effrayante. Au cœur de ce cauchemar en devenir, Grace, l’héroïne fait figure d’agneau de la bergerie jetée en pâture à une horde de loups affamés. Mais que raconte réellement cette farce macabre? Tout part d’un jeu, idiot en soi (le « ready or not », donc), liée à une superstition ancestrale. A minuit, pour honorer la tradition, et afin d’intégrer comme il se doit sa nouvelle famille, Grace doit tirer une carte, et donc participer à un jeu. Evidemment, ce qui ne devait être qu’une expérience ludique et désuète, va rapidement tourner à une partie de massacre, jouissive pour nous, éprouvante pour elle.
Après l’affligeant The baby, film d’épouvante formaté et creux, Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett redressent nettement la barre et signent un épatant spectacle grand guignol, une virée euphorique au sein d’un genre où une vieille bâtisse aurait remplacé le train fantôme de circonstance. Le décor, peuplé de chausses trappes, de passages secrets, de couloirs interminables, d’escaliers imposants, devient un véritable terrain de jeu gothique où progressivement la victime désignée se transforme en guerrière luttant pour sa propre survie. Dans sa robe blanche immaculée, Grace n’est pas seulement cette incarnation de l’innocence souillée: elle est aussi et surtout, la petite voix du peuple, la jolie prolétaire qui rêve du prince charmant mais qui va se retrouver confronter à une oligarchie emmenée par une bande de cinglés. Paradoxe politique, elle incarne cette « grâce » prolo plongée dans le fumier bourgeois. La fable sociale n’a rien de révolutionnaire mais sa dimension anti-trumpienne (que d’armes disponibles chez ces Wasp si élégants en apparence !) s’avère revigorante: dans une visée cathartique, elle déploie une rage libératrice en mettant une raclée à ces purs rednecks de l’aristocratie américaine méprisant les classes sociales inférieures. L’effet cathartique fonctionne à plein régime sous l’œil complice d’un spectateur ravi de la succession de meurtres sanglants et parfois insolites.
Egalement scénaristes, les cinéastes dépassent le cadre étriqué du slasher conceptuel, pour trouve le bon équilibre entre le pamphlet politique, le pastiche horrifique et le survival. Une fois la partie de chasse entamée, on craint une dérive, celle de l’outrance, de la parodie forcée. Mais Ready or not évite habilement de sombrer dans la mécanique et l’humour trash systématique, préférant resserrer le récit autour de Grace porté à bout de bras par l’excellente, Samara Weaving aperçue dans La baby sitter et 3 billboards, parfaite en mariée se transformant en girl power. Elle donne de sa personne, n’est pas épargnée dans la douleur ! Le spectateur souffre régulièrement pour elle, se tient la main ou se touche le dos lorsque la sienne subit les coupures d’une grille acérée…
La mise en scène, énergique, dévouée à l’efficacité, se permet quelques échappées belles du côté du cinéma gothique grâce à une photographie soignée mettant en valeur le décor asphyxiant de la demeure. Les quelques scènes filmées en extérieurs, ravivent des bribes de souvenirs cinéphiliques: la nuit n’est jamais aussi envoûtante et inquiétante que lorsque la brume envahit l’espace.
Wedding Nightmare fait un peu plus que remplir son contrat de simple divertissement en osant tordre le cou aux conventions, en refusant de se plier aux diktats mollassons du cinéma d’horreur contemporain. Avec un entrain décomplexé, le film va jusqu’au bout de sa folie jubilatoire, à l’image d’un épilogue explosif et savoureux, qui n’est pas sans rappeler le délirant Society, série B iconoclaste de Brian Yuzna avec lequel il partage, outre son message, de nombreuses similitudes.
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