Le film d’animation Les Mitchell contre les machines est sorti sur Netflix ce 30 avril. S’y opposent une sympathique famille dysfonctionnelle et une intelligence artificielle qui a décidé de contrôler le monde, drôle et intelligent.
Produit chez Sony par Phil Lord et Chris Miller (La Grande Aventure Lego, 2014), Les Mitchell contre les machines est diffusé sur Netflix depuis peu, faute d’un accès aux salles. Il s’agit du premier long-métrage d’animation de Michael Rianda. Ce dernier s’est fait connaitre par son travail sur Souvenirs de Gravity Falls (2012-2016) en devenant le bras droit du show runner Alex Hirsch, écrivant de nombreux épisodes et intervenant dans la direction artistique de cette série qui introduisait quelque chose de l’esprit de Stranger Things et de Twin Peaks dans une production Disney. Jeff Rowe, également scénariste sur Gravity Falls, intervient aussi dans l’écriture des Mitchell. On était donc en droit d’attendre ce passage à la réalisation de Rianda et l’on en sort conquis : Les Mitchell contre les machines est un des films les plus intelligents, sensibles et drôles sortis récemment sur notre rapport à la technologie.
L’histoire peut paraitre stéréotypée. Katie, une jeune fille qui aspire à devenir réalisatrice de films, a été acceptée dans la filière cinéma d’une prestigieuse université de Los Angeles. Suite à une xième dispute avec son père, Rick, qui ne la comprend pas, elle se retrouve à faire le trajet vers son école dans la voiture familiale plutôt que seule en avion. Le but de ce road trip auquel se joignent la mère de Katie, Linda, son jeune frère Aaron passionné de dinosaures et leur bouledogue bigleux appelé Monchi, est d’arriver à réconcilier le père et la fille. Survient une apocalypse informatique lancée par une intelligence artificielle surpuissante et psychopathe, PAL, qui capture tous les humains et veut les éradiquer. Seuls les Mitchell, trop anticonformistes, échappent aux robots lancés à leurs trousses…
C’est d’abord dans le traitement formel des conventions de ce scénario qu’il faut chercher l’originalité du film. Rianda et son équipe utilisent les codes contemporains dans un mix ébouriffant, mêlant images 3D et 2D, vidéos Youtube, hyperréalisme et filtres Snapchat, références visibles ou cachées à la Web culture (Numa Numa, The Nyan Cat song, etc.). Le monde y est ainsi perçu à travers les yeux de Katie, narratrice-vidéaste, et reflète l’usage ludique des images que pratique sa génération. On peut d’ailleurs voir dans ces jeux visuels et leur créativité débridée une ode à l’art virtuel et ses potentialités infinies, ainsi qu’un écho du propre trajet du réalisateur qui s’est fait connaitre en publiant sur Youtube ses premières créations, dont le remarqué Work (2010) qui critiquait déjà le conformisme et le consumérisme.
Le film surprend également par son traitement du fossé générationnel. Dans ses entretiens, Michael Rianda explique que son point de départ est celui de la progression de l’intelligence artificielle, celle-ci prenant de plus en plus en charge des tâches de notre quotidien. Dès lors, qu’est-ce qui nous distingue des machines ? Selon lui, ce sont principalement nos relations humaines, complexes et difficiles, mais qui méritent la peine que nous nous donnons pour les affronter. C’est ainsi à travers le cheminement que feront Katie et son père l’un vers l’autre, avec leurs outils propres, le tournevis cruciforme pour l’un, les vidéos en ligne pour l’autre, que l’intelligence collective s’opposera à l’intelligence artificielle. Notons que le film ne tombe pas pour autant dans les « leçons » trop lisibles et n’assène pas des messages « philosophiques » comme les derniers Pixar peuvent le faire : le sentimentalisme y est systématiquement torpillé par l’humour, à l’image du long discours lénifiant de Katie qui met PAL en mode de veille…
Ni technocritique, ni technophile, Les Mitchell contre les machines évite les clichés ou le simplisme de films récents comme Ralph 2.0 ou Le Monde secret des Emojis. Bien sûr, dans une séquence inspirée par le Zombie (Dawn of the Dead, 1978) de George Romero, on y trouve une mise en garde de la confiance que nous accordons à la connectivité à tout-va, traitée de façon hilarante dans un combat épique au sein d’un complexe commercial contre des séchoirs et des grille-pains animés et féroces. Mais on y rencontre aussi un éloge du DIY et de tous ceux qui ont trouvé grâce à Internet une possibilité de s’exprimer, de créer, d’être eux-mêmes… Que Katie appartienne à la communauté LGBTQ+, que cela soit posé comme allant de soi sans devenir pour autant un sujet propre au film, est une dernière qualité des Mitchell contre les machines et de la belle réflexion qu’il nous propose sur la façon de rester un humain dans le monde ultra-technologisé qu’on nous promet.
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