Ville-lumière, ville des amoureux, ville cosmopolite, Paris ne cesse de séduire des touristes du monde entier et d’inspirer les artistes, de Victor Hugo à Maurice Chevalier, sans oublier Jules Verne ou Ernest Hemingway. Michel Ocelot lui aussi décide de rendre hommage à la capitale française et son huitième long-métrage d’animation en dresse un portrait idyllique où la poésie, l’action et le mystère se rencontrent pour un énorme jeu de pistes que n’aurait pas renié Gaston Leroux. Armé de ses pinceaux et de son imagination, Michel Ocelot transforme les avenues, les boulevards et les quartiers du Paris de la fin du XIXe en des lieux remplis de merveilles et de personnages hauts et en couleurs. Pour cette célébration, cette déclaration d’amour, Michel Ocelot ajoute à l’animation des prises de vue réelles, conjuguant l’imagination au réalisme, accentuant la beauté des monuments.

Pourtant, la ville idéale selon Michel Ocelot n’est pas sans taches : une mystérieuse organisation fait régner la terreur en enlevant de toutes jeunes enfants. Les Mâles-Maîtres font trembler Paris et les autorités semblent impuissantes à les tenir en échec.

Le choix de l’époque durant laquelle se situe l’intrigue ne favorise pas la description d’un Paris multiculturel et cosmopolite, marque de fabrique du cinéaste internationaliste. « Je me suis trouvé confronté à un petit problème pour la représentation de Paris à la Belle Époque : il n’y avait que des Blancs. On n’a jamais vu ça dans mes films ! », explique le réalisateur avec humour. « Cela me semblait un appauvrissement pour mon public et moi-même. J’ai cherché dans l’époque quelques personnes plus colorées que les Gaulois. » Par conséquent, il crée la jeune Dilili, petite fille originaire de Nouvelle Calédonie et comédienne dans un village africain reconstitué en plein Paris. Avec la complicité de son ami triporteur, Orel, elle se lance à la poursuite de la bande de malfrats. « J’ai en outre ajouté une particularité à l’héroïne », continue le réalisateur, « elle est métisse, encore une catégorie qui a souffert, rejetée par les deux côtés. »

Avec ce personnage, Michel Ocelot évoque le colonialisme, le regard de l’Occident sur l’Afrique à l’époque et le thème des apparences, illustré avec brio dans les premières images du film, dans une mise en scène en trompe-l’oeil. Surtout, comme les attentats du 11 septembre 2001 à propos de nombreuses productions états-uniennes, ceux du 13 novembre 2015 à Paris semblent planer sur Dilili à Paris. Le film de Michel Ocelot ressemble à une réponse, la science et la culture à la rescousse, aux obscurantistes de tout poil. En effet, au cours de son enquête, la jeune héroïne fait la connaissance de nombreuses personnalités de l’époque : Toulouse-Lautrec, Claude Debussy, Le Prince de Galles, Marcel Proust, Chocolat et les époux Curie… Toutes ces figures dessinent un Paris où le savoir et la culture prévalent. Seulement, la succession de ces illustres personnages donne l’impression d’assister à un dépliant touristique, à une hagiographie. Alors, le projet de Michel Ocelot se précise au fur et à mesure que l’intrigue se dévoile : mettre en avant ce que Paris a pu produire de mieux au fil des siècles, tant sur le plan scientifique que culturel face à une menace sournoise, mais bien réelle.

Œuvre ouvertement féministe, engagée avec ferveur contre toute forme d’oppression masculine, Dilili à Paris met en avant de grandes figures féminines de l’époque. Ainsi, la petite Dilili a bénéficié de l’éducation de Louise Michel et côtoie ensuite Sarah Bernhardt. Pour Michel Ocelot, ces deux personnalités ne se démarquaient pas suffisamment et il était en quête d’une héroïne plus singulière. « J’ai finalement choisi la cantatrice Emma Calvé, qui fut presque aussi célèbre que [Sarah Bernhardt ] en son temps – même si on l’a oubliée aujourd’hui », raconte le cinéaste. « Elle a fait le tour du monde et triomphé dans le rôle de Carmen, une héroïne 1900 par excellence et l’opéra le plus joué au monde. » Voilà la petite Dilili en train de visiter l’opéra de Paris, de pénétrer dans ses entrailles, à la découverte de lieux mythiques. Gaston Leroux et Jules Verne ne sont pas loin et l’intrigue rappelle leurs écrits avec ses passages souterrains, ses engins étranges et fabuleux, tandis que la base secrète des Mâles-Maîtres est digne de L’espion qui m’aimait et ces méchants hommes semblent tout droits sortis d’un roman de John Updike.

Dilili à Paris reste malgré tout prisonnier de son statut de film d’animation tout public quelque peu lénifiant. La conclusion ne propose pas de réelle résolution, le final s’enlisant dans une séquence chantée niaise. Un changement de tonalité qui traduit le retour à l’ordre des choses, comme si la beauté devait être synonyme d’ennui alors que le reste du film, au message politique ouvertement plus osé, s’avère trépidant et inventif.

 

 

Dilili à Paris
(France – 2018 – 95min)
Scénario, scénarimage, modèles, image, réalisation : Michel Ocelot
Musique : Gabriel Yared
Avec les voix de : Prunelle Charles-Ambron, Enzo Ratsito, Natalie Dessay…
Sortie en salles, le 10 octobre 2018.

Photos © Mars films.

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