Ce sentiment de l’été, le précédent film de Mickaël Hers, s’était imposé comme une des plus belles surprises cinématographiques de l’année 2016. Difficile pour qui les a vues d’oublier les premières minutes bouleversantes de ce film, où la caméra filmait à distance, avec une rare sobriété, une jeune fille qui s’écroulait dans l’herbe pour ne plus se relever. On cherchera vainement ce dosage subtil d’émotions et de retenue dans Amanda, le nouveau film de Mickaël Hers. Dès les premières séquences, quelque chose sonne faux et le spectateur est un peu embarrassé. Comment comprendre alors que cette fois, la sauce ne prenne pas ?

La réussite de Ce sentiment de l’été tenait au moins autant au jeu des acteurs – les talentueux Anders Danielson Lie et Judith Chemla – qu’à l’atmosphère mélancolique que le film parvenait à installer. L’été y était filmé comme une saison mentale, à la temporalité suspendue, que berçaient les mélodies aériennes et pop du groupe Tahiti Boy. La difficulté tient peut-être ici, en partie du moins, à une erreur de casting. Vincent Lacoste, qu’on a vu exceller dans les rôles de jeune garçon ahuri et un peu paumé, ne parvient pas ici à convaincre et tout se passe comme si le passage de la comédie au drame ne fonctionnait pas. L’acteur semble en porte-à-faux avec son personnage de frère endeuillé, maladresse ironiquement renforcée par une bande-son trop présente, au lyrisme parfois envahissant.

Copyright Nord-Ouest Films

Dans Amanda, Vincent Lacoste incarne David, jeune parisien qui accumule les petits boulots et vit au jour le jour. Son quotidien change brutalement quand il se retrouve seul responsable de sa nièce, une petite fille de 7 ans. Mickaël Hers a, comme pour le précédent, choisi d’inscrire son film dans la veine du drame et de creuser la question de l’absence. A la tragédie intime, déjà présente dans Ce sentiment de l’été, se mêle la catastrophe collective, sous une forme qu’on se gardera bien de dévoiler. Le pari était osé et le réalisateur dépeint cet événement d’une violence inouïe avec beaucoup de justesse, sans s’attarder et sans verser dans le mélodrame. En choisissant une forme de frontalité, Mickaël Hers se confronte au sujet de la violence contemporaine et élargit son portrait à la capitale, faisant ainsi passer Paris au premier plan de son film.

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Cette séquence glaçante vient marquer une rupture dans le film et peut fournir a posteriori une explication au sentiment d’irréalité, qui s’emparait du spectateur jusque-là. La vivacité des couleurs et des décors au début d’Amanda pouvait en effet donner l’impression que le réalisateur avait ajouté un filtre coloré aux images, rappelant l’univers acidulé et heureux des comédies musicales. C’est alors que la tragédie met soudainement un terme à l’atmosphère euphorique du premier tiers du film.

L’autre versant, celui de la catastrophe intime, peine en revanche à toucher le spectateur autant qu’il le devrait. Alors que Ce sentiment de l’été fournissait l’occasion au réalisateur de filmer avec brio le vide et la latence, le traitement du deuil et de l’absence, autour desquels se déploie notre film, est moins systématiquement probant. Le spectateur échappe difficilement à un sentiment de gêne ou d’incrédulité, qui s’explique par le décalage entre les situations et le jeu des acteurs. Amanda propose tout de même par moments de belles idées de cinéma – une brosse à dent comme catalyseur de la tristesse, un dialogue entre voisins via des fenêtres sur cour comme prétexte à la drague, une scène elliptique à la gare de Lyon où le chagrin est suggéré avec délicatesse – propres à nous rassurer sur le talent de Mickaël Hers.

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