Oz Perkins – « Longlegs »

Quatre ans après l’épatant Gretel & Hansel, Oz Perkins nous propose un quatrième long-métrage à l’air bien alléchant : Longlegs. Littéralement Jambeslongues. Inscrit couleur sang en ornement central de l’affiche, ce titre aussi séduisant qu’énigmatique annonce une course folle et désarticulée. Son nom vous est peut-être parvenu aux oreilles, certains l’ont déjà vu et chantent ses louanges. Si l’on en croit les premières critiques il serait le film le plus terrifiant de l’année. Titre et affiche mystérieusement sombres. Bande annonce haletante et bien léchée. Un casting excitant : Nicolas Cage, que l’on ne présente plus, et Maika Monroe, révélée par l’intriguant It Follows en 2014. Il faut reconnaître qu’il a, de l’extérieur, de beaux atouts. Qu’en est-il finalement ?

Lee Harker, une jeune recrue du FBI semble posséder une intuition hors norme. Elle est rapidement placée sur la piste d’un serial killer satanique autobaptisé « Longlegs ». Ce dernier ne laisse aucune traces de lui sur les lieux de ses crimes, si ce n’est des lettres aux codes indéchiffrables.

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Il y a comme un déjà vu, un air évident de Zodiac, dans cette chasse à l’homme où l’interprétation d’un alphabet incongru peut mettre fin à une fougue meurtrière. Il y a aussi un peu du Silence des agneaux dans ce parcours d’une jeune agent du FBI embarquée dans la poursuite d’un tueur fou. Une autre Clarice, un autre Buffalo Bill. Mais ces inspirations plus ou moins consenties trouvaient leur forces et leur beauté dans un univers restreint aux limites du réalisme. Longlegs lui, s’affranchit de ces limites et déchire rapidement son étiquette de thriller policier pour devenir une œuvre déchainée aux multiples visages.

Oz Perkins joue avec le spectateur. Comme un magicien il détourne son regard pour mieux le surprendre à la fin. L’horreur attend dans l’ombre que le thriller installe le récit pour s’en emparer plus tard. C’est une cuisson lente, qui lui laisse le temps de bien répandre ses noirs arômes. Mais bien avant d’arriver à point, des effluves de ses ombreux parfums embaument déjà le film. Les nombreux jumpscares sont remarquablement efficaces, ce qui n’est malheureusement pas assez commun dans le genre. Nicolas Cage, méconnaissable sous son grimage, fait froid dans le dos. Un flot d’images inquiétantes nous emmène tranquillement vers la peur dans un orchestre de sons glaçants. Les codes de l’horreur sont bien là, prêts à faire chavirer l’enquête policière vers des contrées inattendues. L’ennemi premier perd peu à peu ses frontières humaines, le tueur en série ne s’avère être que la main physique d’un mal plus étendu, invisible et impénétrable. Le diable sous toutes ses formes, sans n’en prendre aucune. Le plus troublant dans cette histoire c’est peut-être l’impression que cette entité maléfique et légendaire, combattue par la religion, manœuvre dans un monde dépourvu de dieu(x). Le néant, et puis Satan. Un déséquilibre chaotique sans doute dicté par notre époque toute aussi chancelante.

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Lee Harker n’est pas le premier agent du FBI cinématographique à disposer d’une intuition surnaturelle dans une enquête policière a priori conventionnelle (a priori seulement). Dans Twin Peaks, le génial Dale Cooper use de philosophie tibétaine et de visions nocturnes pour résoudre les énigmes que Lynch et Frost sèment sur son chemin. Mais alors que Kyle MacLachlan incarne un personnage complexe et attachant, Maika Monroe se trouve bloquée dans un personnage féminin sans véritable profondeur, une surdouée au regard vitreux. Ce n’est pas faute de talent, c’est plutôt faute d’écriture. L’héroïne progresse dans sa quête avec un calme plat et une facilité parfois grossière qui plombe quelque peu l’ambiance. Il faut attendre la fin pour entrevoir quelques aspérités, et encore, elles sont finalement peu convaincantes. Le film souffre de ce personnage qui n’est pas à la hauteur de ses ambitions. Comme si en chemin vers le chef d’œuvre, il avait marché dans un cliché.

Longlegs s’imposera probablement à quelques amateurs du genre comme le film d’horreur de l’année qui, hypnotisés et terrifiés par sa plastique maîtrisée en oublieront son défaut central. Certaines images ont en effet un pouvoir aveuglant, une fois gravée sur nos rétines.

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A propos de Anna Fournier

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