Adapté du propre -premier- livre de Roberto Ando, Viva la Liberta porte bien son nom, pour le meilleur et pour le pire. Le truculent parti pris narratif ( la substitution entre deux frères jumeaux, Ernani et Olivieri) opère une sorte de jeu de rôles libérateur et jouissif pour le spectateur. Si la fable aérienne concernant Ernani est très réussie, les péripéties d’Olivieri, finissent par lasser. Trop livré à lui-même, il finit par désagréger la narration, par extension. D’où une impression mitigée qui n’entache pas la grande jubilation ressentie pendant la première heure.
C’est quand Ando essaie de développer l’histoire du politicien en remise en cause et en quête de liberté, que, paradoxalement, ça lui coupe les ailes. Le prétexte de sa fuite : revoir son premier amour, Danielle (Valéria Bruni-Tedeschi ) en France paraît légèrement capillotracté. Quand celle-ci, scripte de son état, l’invite sur son tournage comme suppléant accessoiriste et que personne ne reconnaît le politicien en cavale, on tombe, hélas ! dans l‘invraisemblance et dans un romanesque de pacotille.
Heureusement, son jumeau qui ne se contente pas de le supplanter dans le cœur des électeurs, mais aussi des spectateurs, assure le spectacle : les irrésistibles scènes où il décoince Bottini, une chancelière nordique, voire le président ! Il est regrettable qu’Ando ait bâclé la sous-intrigue concernant Enrico tant il a su insuffler de la profondeur aux facéties de son jumeau. C’est émouvant de voir le raté solitaire se transformer en génial harangueur de foules, encore capables de vibrer dans cette Italie moribonde politiquement, aux termes de « conscience » (« la seule alliance possible est avec la conscience des gens » ), de « progression des ténèbres » (le discours brechtien qu’il fait à Rome)…Le fait que l’opinion publique le plébiscite est à la fois jouissif et inquiétant. On dit du fou (Ernani) qu’« iI n’a jamais été aussi clair » ( croyant parler d’Olivieri). Ce besoin d’être galvanisé, bousculé passe du public assistant au discours d’Ernani, au public de la salle, gagné par la fougue en roue libre, la liberté de ce doux dingue. En ce sens, Viva la Liberta est une réussite, entre Bienvenue Mr Chance de Hal Ashby et un Mocky très réussi, Le Bénévole, où Michel Serrault, fraichement évadé de l’asile, usurpait la place du président d’une association de bénévoles et l’ex chef syndicaliste les mettait au fait de leurs droits d’employés non rétribués ! Là où le bât blesse c’est quand Roberto Ando veut donner un tour métaphysique à l’histoire de façon trop littérale : ainsi, la jeune fille de Danielle qui dit à Enrico Olivieri « Tu as l’air de ne jamais être à ta place », la femme de celui-ci qui s’entiche un peu vite de son jumeau, allant même à l’appeler Enrico et non Giovanni, etc…
La montée en enchère de la confusion entre les deux jumeaux est maladroite. Au lieu de créer de l’étrangeté, elle signe les limites d’un réalisateur, très inspiré tant qu’il est dans la fable et la comédie satirique, mal aux entournures quand il veut virer Polanski. Qui trop embrasse mal étreint. A vouloir jongler entre légèreté et métaphysique, le soufflé finit pudding.
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