La France, vivre en France c’est quoi ? Et être français alors ? Comment mieux le dire que de le dire sincèrement en faisant son Tour de France ?
Tour de France de Rachid Djaïdani est une œuvre personnelle comme une chanson populaire et cela s’entend, autant qu’en son temps Jean Ferrat louait « Ma France ». Empreint d’un amour de la langue de Voltaire comme du rap et de la truelle, Rachid Djaïdani travaille lui son Tour de France comme une toile de serge, faite de Reggiani et de Lama, de Depardieu et de Vernet et nous invite à écouter une rengaine populaire, la sienne, autant qu’à respirer un bon bol de son Histoire de France. Sensible plus que naif, « Tour de France »accroche avec fierté sa sensibilité, sa générosité et sa bienveillance comme un coquelicot à la boutonnière et cela fait du bien… de se sentir français!
Avec un scénario écrit comme un road movie qui relirait une France de Vidal de la Blache et celle de la vulgate populaire, Rachid Djaïdani a l’intelligence de brasser ce que tout voyage initiatique peut transporter d’hétéroclite et de bigarré, et fait preuve d’un didactisme qui côtoie irrésistiblement une soif de sens et de transmission, ce qui est le sujet même du film. En faisant s’affronter un Gégé national un peu réac mais au bout du rouleau et le jeune rappeur Sadek qui bon gré mal gré se substitue au fils défaillant converti à l’Islam pour s’embarquer dans un voyage improbable – celui de la visite des ports peints par Vernet au XVIIIème siècle- Rachid Djaïdani inscrit ici multitudes de thématiques intimes et sociétales qui s’entrecroisent sans jamais s’avouer autrement qu’à travers les corps, les chansons et ce qu’elles éveillent dans la mémoire personnelle et collective.
Hommage à Depardieu, film clin d’œil aux Valseuses par quelques tirades succulentes et la prestance de Sadek qui réussit ici à se substituer au fils et à incarner un Dewaere de son temps, celui des banlieues et de la débrouille, Tour de France évoque avec subtilité le temps qui a passé, la trace de ce qui fut et de ce qui est encore dans le roman national et le roman familial, intime. Jamais depuis longtemps Depardieu n’avait été filmé tel ce « crève écran » qu’il est, avec ce corps déposé, usé et s’il est crédible en Serge l’ancien maçon qui s’est promis de repeindre les tableaux de Vernet – grandeur de la France coloniale d’Ancien Régime – il l’est encore plus comme Depardieu lorsqu’il entonne « je suis malade » ou qu’il improvise une Marseillaise rappée irrévérencieuse autant qu’amoureuse.
Ici Histoire et histoire-fiction se mêlent avec bonheur, et c’est le gage de la sincérité à fleur de peau de Rachid Djaïdani qui nous conte une Histoire de France, sans nostalgie mais qui continue de s’écrire avec les mêmes accents, celui du verbe érudit et de la gauloiserie, du romantisme et du mélancolique. Tour de France offre ainsi à toucher, voir, entendre et se souvenir d’une belle tapisserie française où la gouache, la couleur et la caméra parviennent à confondre tous les Serges et les Rachid, en les ayant placés tous sous le même signe : celui du père et de la réconciliation.
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Laura Tuffery
Bonjour,
Merci pour le commentaire. Il faut entendre ici « relirait », comme une relecture, et nous pas faire une liaison, « relier », d’où « relirait ».
Cordialement à vous,
Laura Tuffery
Paulhan
Très bon article, qui m’a donné envie de voir le film !
(Ne serait-il pas préférable d’avoir » relierait » au lieu de » relirait » ?)