Sherif El Bendary – Ali, la chèvre et Ibrahim

Le Caire rend fou. Sans doute faut-il fuir la ville pour mieux y revenir, plus aguerri, plus apte à en affronter l’agressivité. Ali aime Nada d’un amour irrationnel. Nada est une chèvre. Confronté à l’incompréhension et aux railleries, le jeune homme lutte pour être respecté. Ibrahim souffre d’acouphènes d’une rare violence qui le paralysent et nuisent à sa profession d’ingénieur du son.

Ali et Ibrahim se rencontrent et entreprennent un voyage les menant jusqu’au Sinaï, occasion pour chacun de briser le mur qui le coupe du monde. Récit initiatique et histoire d’amitié, Ali, la chèvre et Ibrahim transforme la quête personnelle en conte sur la découverte de soi et l’acceptation des traumas passés.

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La trame simple et connue du road trip place d’abord les deux héros en opposition l’un à l’autre. Mais puisqu’ils ont choisi de partir ensemble, ils doivent dépasser la stade de l’incompréhension pour apprendre à se connaître. Nourrie par l’empathie, cette manière de prendre pour soi les douleurs de l’autre, leur amitié naissante leur donne l’occasion de se confier et de dire ce qu’ils gardaient en eux, l’un devenant le miroir de l’autre dans une entreprise introspective aux vertus salvatrices.

La mise en scène épouse les humeurs de ses deux protagonistes. Tantôt souple et apaisante, parfois brutale, elle accompagne la transformation d’Ibrahim et permet à Ali de trouver les mots pour décrire le lien presque surnaturel qui l’attache à Nada. Le travail sonore rend compte du mal qui ronge l’ingénieur du son en rupture avec le monde en faisant ressentir au spectateur la violence de ses acouphènes. Le film avance avec ses personnages et construit un récit de partage et d’écoute aux effets catharsistiques.

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Si le rythme faiblit en cours de route (le parcours obligé du road trip risquant parfois la redondance), le final donne tout son sens à une quête initiatique dont les effets positifs colorent le film d’un optimisme communicatif. Les deux comédiens aux caractéristiques opposées, l’un petit et nerveux, l’autre réservé et sombre, nourrissent un duo qui fonctionne parfaitement et porte un récit dont la tonalité souvent burlesque le démarque des conventions du genre.

Sherif El Bendary choisit et assume la fable pour peindre les relations conflictuelles qu’il entretient avec sa ville. Son premier long métrage se définit alors comme un portrait décalé du Caire, ville étouffante et meurtrie dont les habitants ne peuvent exprimer la colère qui les ronge. En cela, Ali, la chèvre et Ibrahim témoigne de l’Egypte d’aujourd’hui.

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