Ce n’est pas le titre le plus original du moment, une floppée  de films se nommant « Drone » au pluriel ou au singulier sont similaires, allant du thriller politique au slasher, avec toujours cette idée d’une technologie de pointe – enfin maintenant, qui a une bonne dizaine d’années – au cœur du projet. S’il s’agit de nous alerter sur les dangers d’un outil qui peut être détourné à des fins malveillantes, avouons que ça sent déjà la ringardise à plein nez. Soyons honnête et un tantinet objectif : le film de Simon Bouisson nous parvient avec quelques années de retard, un peu à la traîne par rapport à d’autres. Mais le CV du jeune réalisateur loin d’être un débutant, mérite l’attention. Diplômé de la FEMIS, ses projets tournent autour du numérique et des nouveaux médias, notamment avec deux fictions interactives en mode court et moyen, Wei or die et République. Il s’est aussi investi sur des séries dont il a réalisé l’intégralité des épisodes, 3615 Monique et Stalk. Il n’est ni novice ni opportuniste, portant un vif intérêt à ces sujets très contemporains. Et il faut reconnaître que Drone possède de sacrés atouts pour lui malgré le handicap de départ. On peut même dire qu’il s’agit d’une vraie surprise, d’un ambitieux thriller qui déjoue en partie nos attentes.

Drone - Haut et Court

Copyright Haut et Court

Émilie débarque à Paris pour étudier l’architecture. Afin de payer ses études, elle travaille comme camgirl la nuit. Solitaire et plutôt timide, elle n’a confié ce secret à personne. Un soir, un drone lui rend visite, se postant juste devant la baie vitrée de son studio, et l’observe. Les jours suivants, dès qu’Émilie est seule, il apparaît et la suit. Inquiète, Émilie se demande qui se cache derrière la mystérieuse machine… Plus inquiétant encore, elle reçoit des notifications lui demandant d’accepter des virements de 200 euros sur son compte sans savoir qui peut bien être derrière cette intrusion.

Le film Drone, de Simon Bouisson : un thriller qui sortira au cinéma le 2 octobre 2024 - Helicomicro

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L’angle choisi par les scénaristes s’avère pertinent, le drone devenant une véritable menace, un objet informe de plus en plus angoissant, soulevant de multiples interrogations. La première qualité de ce thriller techno est d’avoir très bien caractérisé le protagoniste central, crédible et émouvant, moteur idéal d’un récit souvent captivant. Émilie est une jeune femme mystérieuse, qui n’est pas sans zone d’ombre. Son comportement surprend souvent, notamment le fait qu’elle n’alerte pas la police dès l’apparition du drone. Quelle en est la raison ? Est-elle honteuse de son métier alimentaire ? Nourrie-t-elle une forme d’excitation un peu exhibitionniste envers son ou ses admirateur(s) ou admiratrice(s) secret(e)s ? Se sent-elle en danger ? Un peu tout cela à la fois, devenant dès lors un passionnant personnage de cinéma, trouble et émouvant, interprété par une actrice exceptionnelle, danseuse de profession, révélée par En corps de Cédric Klapish, Marion Barbeau. Elle est à la fois un corps gracieux et agile, une voix légèrement éraillée et un regard perçant et mélancolique. Elle amène une profondeur dès son apparition, nous faisant croire à son rôle d’étudiante alors qu’elle n’est pas si jeune, autour de la trentaine.

Drone - Haut et Court

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L’ambition de Simon Bouisson ne s’arrête pas à ce portrait réussi d’une jeune femme talentueuse et secrète. Elle se situe aussi du côté d’une forme visuelle élégante et référencée, bel écrin, en accord avec un scénario bifurquant vers le thriller traditionnel dès lors qu’un meurtre relance l’enjeu. Drone devient alors un jeu fascinant du chat et de la souris, de l’observateur et de l’observé qui n’est pas sans rappeler Alfred Hitchcock, mais surtout Brian De Palma, influence majeure du film. L’érotisme discret mais sensuel des scènes saphiques n’est pas sans évoquer le cinéma de l’auteur de Carrie, d’autant qu’il place le spectateur dans une situation de voyeur qui oscille entrer plaisir et inconfort. Mais une question nous taraude tout de même, et ce, dès l’apparition du fameux drone. Comment tout cela va-t-il se terminer ? On pourrait objecter que cela concerne tous les films, mais dans ce cas, la différence est notable. On ne cesse d’y penser, avec cette petite idée derrière la tête, d’une déception avancée, d’une résolution qui ne sera pas à la hauteur des nombreuses pistes énoncées. S’il évite le choix le plus conventionnel – celui du coupable annoncé dès sa première apparition à l’écran–, il se termine de façon logique et frustrante, bottant partiellement en touche mais réussissant sa réflexion politique et sociale tout en ratant son climax. Bien que trop long, dépassant les deux heures, Drone s’avère une bonne surprise, dans un registre où le cinéma français excelle rarement, grâce à une mise en scène inspirée et à une direction d’acteurs quasi parfaite, jusque dans ses seconds rôles,  dont un formidable Cédric Kahn tout en duplicité.

 

 

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